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L’exploitation forestière, entre le marteau et l’enclume
28/10/2011

Pour les exploitants des grandes sociétés étrangères, plus habitués à estimer le volume des arbres et leur valeur commerciale qu’à se plonger dans des précis d’écologie forestière, l’apport des chercheurs universitaires du Laboratoire gembloutois est précieux. Ces derniers les conseillent dans les inventaires de faune et de flore imposés par le FSC. Ils les assistent dans les plans de gestion et d’aménagement de la forêt. Ils jouent un rôle de caution scientifique pour les programmes de régénération de celle-ci. Ils vont, parfois, jusqu’à suggérer aux autorités des modifications de la réglementation régissant ce secteur, l’un des plus importants du pays en termes d’exportation. En échange de ces apports, les chercheurs et les étudiants de Gembloux disposent, eux, d’un terrain d’études et d’expérimentation privilégié et d’un contact direct, dans des conditions de travail bien réelles, avec des équipes engagées jusqu’au cou dans l’exploitation soutenable de la ressource ligneuse (lire l’interview du professeur Doucet ). Chaque année, Jean-Louis Doucet et ses collaborateurs se rendent ainsi au Cameroun, au Gabon, au Congo- Brazzaville ou en République Centrafricaine  - et, de plus en plus, en République démocratique du Congo -  pour suivre leurs étudiants et superviser les travaux en forêts : tests sylvicoles, plantations, études écologiques approfondies, identification des forêts à haute valeur de conservation, foresterie communautaire, etc. Des milliers de kilomètres de routes et de pistes à  parcourir : des conditions de travail pas toujours évidentes…

Pièges et collets

D’abord, il y a le braconnage : une véritable plaie dans ces régions reculées, notamment au Cameroun. Un vrai défi quotidien pour les « maigres » services de contrôle et les exploitants. En effet, si ces derniers veulent conserver leur sésame – le label FSC – sur les marchés « écologiques », ils doivent à tout prix veiller à la protection des populations de gorilles, chimpanzés, mangoustes et autres céphalophes. La menace est double. Profitant des routes et des pistes créées pour évacuer le bois vers les scieries et les ports, des braconniers motorisés sillonnent la forêt et, grâce à une myriade de petites complicités locales, exploitent sans vergogne tout ce qui y bouge. Quant aux ouvriers forestiers de ces régions pauvres et reculées, ils sont parfois tentés, eux aussi, de compléter leur ordinaire par la pose d’un collet ou le tir de l’un ou l’autre mammifère qu’il ne reste plus, alors, qu’à revendre à un réseau plus ou moins formel de commerçants.

BraconnageCameroun
Pour tenter de limiter le braconnage, Pallisco organise la vente de viande et de poisson - à prix coûtant - à ses ouvriers et à leurs familles. Elle leur fournit ainsi l’indispensable dose de protéines à leur alimentation : précieux, dans ces communautés de brousse. La société française a également recours aux services d’une société de gardiennage qui contrôle les allées et venues de tous les camions et piétons franchissant les enceintes de ses concessions forestières. Si la chasse coutumière est tolérée, le commerce de viande de brousse, lui, est banni. Et d’autant plus réprimé s’il s’agit d’espèces protégées par la loi. De temps en temps, au hasard de leurs déplacements en forêt, les chercheurs de Gembloux tombent nez à nez, au bord des pistes, avec un groupe de braconniers pris sur le fait ou délogés de leurs campements clandestins par les gardes, en collaboration avec le ministère des forêts. Dans leur gibecière, un salmigondis de viande séchée, boucanée ou encore sanguinolente qui, normalement, sera confisquée et n’aboutira pas dans les étals semi-clandestins de Mindourou, Yaoundé ou Douala. Un mieux pour la forêt ? Assurément. Mais, parfois, ces actions de répressions anti-braconnage reviennent sous la forme de boomerang dans la figure des chercheurs. Dont les pépinières ou les plantations, un beau matin, se retrouvent mystérieusement vandalisées…

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