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Cancer : sur la piste de miR-503
17/08/2015

MiR-503 : microARN antitumoral

Au GIGA-Cancer, le groupe d'Ingrid Struman s'intéresse au transfert de microARN des cellules endothéliales vers les cellules cancéreuses lors de l'angiogenèse tumorale. Avant ces travaux, aucune information n'était connue sur le rôle des exosomes endothéliaux et des microARN qu'ils contiennent sur la croissance tumorale. Le Laboratoire d'angiogenèse moléculaire fut le premier à mettre en lumière l'existence d'un transfert de microARN des cellules endothéliales vers les cellules tumorales par l'intermédiaire d'exosomes(1). Les chercheurs montrèrent ensuite que si l'on mettait des cellules endothéliales en culture dans un milieu protumoral, le contenu des exosomes qu'elles exportaient s'en trouvait modifié. Parmi les microARN dont la présence était diminuée, les biologistes du GIGA-Cancer identifièrent en particulier miR-503. Des études fonctionnelles les conduisirent à la conclusion que ce microARN était doté de propriétés antitumorales : transfecté dans des cellules cancéreuses mammaires humaines, il y induisait un changement phénotypique ayant pour conséquence d'en réduire les capacités prolifératives et invasives.

Chimiotherapie exosomes« Notre hypothèse était que les cellules tumorales, lorsqu'elles s'implantent chez l'hôte, envoient un signal conduisant à une exportation moins importante de miR-503 par les cellules endothéliales, diminuant ainsi la réponse antitumorale de l'hôte, rapporte Ingrid Struman. Afin d'évaluer la pertinence de cette observation chez l'humain, nous avons voulu déterminer si le niveau plasmatique du microARN était modulé chez les patientes atteintes d'un cancer du sein. La mesure que nous avons effectuée révéla une augmentation de ce niveau dans le sang des patientes à la suite d'un traitement par chimiothérapie adjuvante. »

Il fallait donc en déduire que la chimiothérapie prescrite à ces patientes pouvait avoir un impact qui dépassait une simple action directe sur les cellules cancéreuses. De fait, l'élévation observée du niveau plasmatique de miR-503 pourrait être due en partie à un accroissement de la sécrétion du microARN antitumoral par les cellules endothéliales. Toutefois, les chercheurs ignorent à ce stade si c'est le cas ou si d'autres types cellulaires sont impliqués.

Mais ce n'est pas tout : il semble également que le changement phénotypique induit par miR-503 au niveau des cellules tumorales modifie leur production de facteurs angiogéniques. D'où, en réponse, une inhibition de l'angiogenèse.

L'ensemble des données disponibles révèle pour la première fois l'implication de l'endothélium dans la modulation du développement tumoral, via l'export du microARN miR-503 en réponse à une chimiothérapie. « Ce processus pourrait être complémentaire des effets directs générés par celle-ci sur la tumeur et favoriser la réponse de l'hôte dans le traitement de la maladie », souligne encore Ingrid Struman.

Perspectives thérapeutiques

La communication (avec les réserves liées à l'emploi de ce terme) entre cellules endothéliales et cellules tumorales a été établie in vitro. Mais jusqu'à présent, les chercheurs du Laboratoire d'angiogenèse moléculaire n'ont pu montrer l'origine de miR-503 in vivo. Ils souhaiteraient isoler spécifiquement des exosomes endothéliaux chez des patientes souffrant d'un cancer du sein et y mettre en évidence une éventuelle modification de l'expression du microARN. Malheureusement, cet objectif se heurte pour le moment à l'absence de techniques permettant la recherche de types d'exosomes spécifiques au moyen d'anticorps.

Quelles perspectives thérapeutiques les travaux de l'équipe du GIGA-Cancer laissent-ils entrevoir ? Selon Ingrid Struman, deux voies peuvent être explorées. La première consisterait à injecter le microARN antitumoral dans la circulation afin d'en augmenter le niveau au-delà de l'accroissement engendré par la chimiothérapie. Appliquée à d'autres microARN, cette technique est au cœur d'essais cliniques dans plusieurs pathologies. Ingrid Struman cite l'exemple de miR-122, en phase 2 dans le traitement de l'hépatite C. La seconde approche serait centrée sur l'augmentation de la charge en miR-503 au sein des exosomes sécrétés. « Pour l'heure, nous ne savons pas comment accroître l'exportation du microARN dans ces vésicules, commente la chercheuse. Il s'agit d'un objectif de nos prochaines études. Si nous parvenons à identifier les protéines impliquées, nous pourrons exercer une action sur elles. »

(1) Bovy N., Blomme B., Frères P., Dederen S., Nivelles O., Lion M., Carnet O., Martial J.A., Noël A., Thiry M., Jérusalem G., Josse C., Bours V., Tabruyn S.P., Struman I., Endothelial exosomes contribute to the antitumor response during breast cancer neoadjuvant chemotherapy via microRNA transfer, Oncotarget, 2015 Apr 30;6(12):10253-66.

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