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Le vécu particulier des patients en locked-in syndrome
16/07/2015

Les expériences de mort imminente recèlent encore une part de mystère. Au-delà des explications mystiques, les chercheurs du Coma Science Group de l'Université de Liège et du CHU de Liège s'efforcent d'élucider les processus physiologiques et psychologiques susceptibles d'expliquer leur survenue et le vécu des « expérienceurs ». Dans un article paru récemment dans Consciousness and Cognition, ils montrent que les émotions rapportées par des patients en locked-in syndrome ayant connu une expérience de mort imminente sont plus négatives que celles des autres expérienceurs, mais que leurs souvenirs autobiographiques sont plus riches.

Les « expériences de mort imminente » (Near-Death Experience, en anglais - NDE)(1) sont relativement fréquentes, puisque environ 10% des personnes ayant survécu à un arrêt cardiaque rapportent un tel vécu. En outre, il arrive que des individus relatent une expérience de mort imminente alors que leur vie n'a pas été en danger et qu'à aucun moment, ils n'ont sombré dans le coma. Ainsi, une syncope ou un stress très important (comme quand des personnes échappent à la noyade) peut parfois suffire à générer une NDE, même si, en l'espèce, le terme n'est plus vraiment approprié.

Les composantes des expériences de mort imminente sont très spectaculaires. Il n'est pas anodin, en effet, d'éprouver un intense sentiment de bien-être, de connaître la sensation de quitter son corps, de percevoir une lumière éclatante au fond d'un tunnel, de perdre la notion du temps, de se retrouver dans un « autre monde », d'être persuadé d'avoir communiqué avec des défunts ou avec un être mystique ou encore de se sentir en communion avec l'univers. Pour être qualifié d'« expérienceur » (personne ayant été confrontée à une expérience de mort imminente), il n'est cependant pas nécessaire d'avoir connu l'ensemble des phénomènes caractéristiques d'une NDE, mais un certain nombre d'entre eux.

NDE corps

Il existe des échelles auxquelles se réfèrent les neuroscientifiques et les psychologues pour évaluer de façon aussi objective que possible si un sujet a vécu ou non une NDE. La plus utilisée est l'échelle de Greyson. Explorant plusieurs dimensions (cognitive, affective, paranormale...), elle se fonde sur 16 questions pouvant donner lieu chacune à un score de 0, 1 ou 2. On parle de NDE lorsque le score total obtenu par un individu ayant répondu aux 16 questions est de 7 ou plus (sur 32).

Baptisées OBE (Out-of-Body Experiences), les expériences de décorporation se rencontrent en moyenne dans un tiers des cas. Il en va de même de la sensation de percevoir un tunnel de lumière. Bref, les NDE sont à géométrie variable. D'autant que, comme l'indique Vanessa Charland-Verville, aspirante du FNRS et doctorante en sciences médicales au sein du Coma Science Group de l'Université de Liège et du CHU de Liège, les souvenirs de NDE sont le plus souvent colorés par les grandes croyances culturelles, philosophiques et religieuses de départ.

Expériences de décorporation

Les théories explicatives des NDE peuvent être regroupées en trois catégories : spirituelles, psychologiques et neurologiques.

Les premières ne reposent sur aucune démonstration rigoureuse. Les tenants de l'explication spirituelle des NDE affirment que ces expériences prouvent l'existence d'une âme extérieure au corps. Pour étayer cette thèse, ils se fondent principalement sur le fait qu'un tiers des personnes ayant connu une expérience de décorporation (OBE) déclarent avoir assisté, d'une position surélevée, à la scène de leur réanimation. À l'occasion de recherches entreprises en Scandinavie, des chercheurs eurent l'idée de dissimuler, à proximité du plafond de blocs opératoires, des images invisibles à un patient couché sur la table d'opération. En 2008, une étude similaire fut lancée à l'échelon international. Elle regroupait 25 établissements hospitaliers. Si des expérienceurs étaient parvenus à faire état de la présence de ces images cachées en hauteur, cela tendrait à prouver que la conscience est probablement dissociable du corps. Mais pour l'heure, la question ne s'est jamais posée, car aucun patient n'a rapporté avoir vu ces images.

(1) L'abréviation française de l'expression « expérience de mort imminente » est EMI. Dans cet article, nous utiliserons cependant l'abréviation anglaise NDE, largement plus répandue (y compris dans les pays francophones)

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