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Des voix dans la tête
12/06/2015

Et dans le cerveau ?...

Fait remarquable, les études d'imagerie par résonance magnétique cérébrale fonctionnelle (IRMf) ont dévoilé que lors d'une hallucination, la région associée au canal sensoriel impliqué (visuel, auditif, olfactif, etc.) est activée dans le cortex, alors que, par définition, il n'y a aucune perception. De même, les aires de Broca et de Wernicke, essentielles au langage, sont mises à contribution dans les hallucinations auditivo-verbales. « Toutefois, il convient de nuancer le propos, car ces patterns d'activation (aires auditives « allumées » durant une hallucination auditive, etc.) ne se retrouvent pas chez tous les patients », dit Frank Larøi. De plus, ce genre de données n'expliquent pas plusieurs aspects cardinaux de l'expérience, comme par exemple le contenu négatif des hallucinations auditivo-verbales chez les patients psychotiques.

D'autres régions cérébrales sont concernées par les expériences hallucinatoires, mais leur cartographie reste floue et incertaine. On y recense notamment des régions frontales qui pourraient être impliquées, entre autres, dans le « contrôle de la réalité ». De surcroît, l'activation d'un petit réseau de l'hippocampe a été mise en évidence dans des hallucinations auditivo-verbales. Aussi, pour Flavie Waters, de la University of Western Australia, les hallucinations feraient-elles partiellement appel à un mécanisme mnésique inapproprié. « À ses yeux, elles pourraient être en lien avec des souvenirs qui remonteraient à l'esprit en raison de déficits d'inhibition et, conjointement, de déficits de la mémoire contextuelle, laquelle est centrée sur les éléments du contexte (lieu, organisation temporelle...) de l'acquisition d'une information », explique encore Frank Larøi.

Groupes de parole

Classiquement, la psychiatrie considère qu'entendre des voix est une manifestation psychotique. Sa réponse ? Délivrer des , lesquels peuvent notamment aider les patients schizophrènes à contrôler les symptômes dits positifs de leur maladie, telles les hallucinations et les idées délirantes. « Toutefois, on estime que, malgré ces médicaments, 30 à 60% des patients éprouvent des difficultés à gérer leurs symptômes », précise Frank Larøi. Par ailleurs, les antipsychotiques ne sont pas orientés spécifiquement contre les hallucinations auditivo-verbales. Ils sont donc peu appropriés pour répondre aux difficultés des entendeurs de voix non cliniques dont la caractéristique est de ne se plaindre d'aucune autre manifestation que d'être envahis par des discours intrusifs, ces derniers fussent-ils généralement à connotation positive en l'absence d'une psychose.

Dans certains cas, les voix ne représentent pas un problème et sont même recherchées. Y compris par une fraction des patients psychotiques, ainsi que l'a révélé une étude réalisée en 1993 par Laura Miller, de l'Université de l'Illinois. Non seulement 52% des patients interrogés estimaient que leurs hallucinations avaient une fonction adaptative, mais, plus étonnant, 20% d'entre eux n'auraient pas souhaité qu'un médicament, s'il l'avait pu, les mît à l'abri de toute hallucination. Aussi Jonathan Burnay, psychologue clinicien et doctorant à l'ULg sous la direction de Frank Larøi, déclare-t-il que ce qui est pathologique est bien davantage le fait de ne pas savoir comment gérer les voix, c'est-à-dire comment les empêcher d'être intrusives et comment ne pas répondre à leurs exigences, que celui de les entendre et même de croire, comme la majorité des personnes concernées, qu'elles sont réelles, qu'elles émanent de Dieu, d'un ange ou d'une personne décédée, par exemple.

C'est pourquoi, sur la base de travaux qu'il avait entrepris à la fin des années 1970, le psychiatre néerlandais Marius Romme en vint à sortir les voix du carcan de la maladie mentale et à les  assimiler à une expérience dont on peut s'accommoder. Certes, il leur arrive de « s'emparer » de patients psychotiques, de les insulter, de les menacer de mort, de les pousser à accomplir des actes extrêmes, mais, appréhendées dans une perspective entendre voixnon médicale, néanmoins souvent de façon complémentaire à la prise de neuroleptiques, voire à une psychothérapie, elles semblent plus sujettes à une mise sous contrôle. Dans cette perspective sont nés aux Pays-Bas, il y a une vingtaine d'années, de petits groupes de parole où se côtoient entendeurs de voix cliniques et non cliniques. L'initiative a essaimé ensuite vers de nombreux pays, dont assez récemment la France et la Belgique francophone où, au cours des 20 derniers mois, 2 groupes ont été créés à Bruxelles, puis un à Namur et un à Liège. Ces 4 entités font partie de l'association REV-Belgium - Réseau belge des entendeurs de voix -, calquée sur son homologue REV-France.

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