Couples, patrimoine et séparation
Un autre cas est celui du bricolage qui donne lieu à de plus en plus de jurisprudence. Après son divorce, une femme retrouve un compagnon. Elle a gardé de sa précédente union un immeuble. Quant à son nouveau partenaire, il est sans immeuble. De ce fait, « le couple va vivre dans le bien de madame et une des premières choses que l’on fait c’est de le rafraîchir car ce bien était peut-être l’ancienne demeure conjugale. Donc, souvent, dans les remises en couple, l’on investit avec l’argent disponible, qui provient nécessairement d’un autre couple, et qui est donc personnel, soit de monsieur, soit de madame. Ces fonds ne sont pas des acquêts, de la richesse constituée par le nouveau couple, et il y a donc un transfert injuste s’ils sont investis dans un bien qui n’est pas indivis dans le nouveau couple ». Le régime de la communauté permet le rétablissement de ce transfert mais en régime séparatiste, il faudra entreprendre des actions en justice lourdes car le législateur n’a rien prévu. Or, cette problématique est devenue plus importante qu’avant car il y a plus de recomposition de couples et moins de budget. Face à cela, nombreux sont pourtant les juristes partisans du « il n’y avait qu’à ». « Monsieur n’avait qu’à demander une reconnaissance de dettes à sa nouvelle compagne, monsieur n’avait qu’à ne pas investir dans le bien de sa nouvelle compagne. Ces considérations nient les réalités de la vie qui sont loin des considérations juridiques ! Il faut savoir que les couples non mariés ne consultent pour la plupart pas de juriste, sauf quand ils achètent ensemble une maison ou quand un enfant naît. » Statut protecteur ou non protecteur, telle est la questionOn le voit l’adage selon lequel « les concubins se passent de la loi, la loi se passe d’eux » a la vie dure. Cela alors que, comme le souligne Yves-Henri Leleu dans son ouvrage, même les époux mariés sont concernés lorsqu’ils sont unis sous le régime de la séparation de biens. C’est bien pour cela que pour le Professeur Leleu les statuts proposés aux couples se classent en deux catégories : ceux qui protègent et ceux qui ne protègent pas contre les préjudices liés au couple. Les partisans du statu quo en la matière distinguent plutôt quatre catégories : les mariés en communauté de biens, les mariés en séparation de biens, les cohabitants légaux et les cohabitants de fait. Cette présentation des choses donne le sentiment que les couples opèrent un vrai choix entre des options comparables. Ce qui n’est pas du tout le cas puisque seule la communauté offre la mise en commun de tous les acquêts, c'est-à-dire les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage par les époux, ensemble ou séparément, grâce à leur travail ou leur épargne(3). Encore faut-il en être pleinement informé. Une hypothèse rejetée par Yves-Henri Leleu pour qui les couples choisissent leur statut en fonction de considérations qui n’ont rien de juridiques. Il en répertorie six : la revendication, la désillusion, la fausse impression, l’information, l’installation, la négociation(4). Harmoniser les statuts patrimoniaux des couples, défi majeur mais indispensableCes considérations bien que non juridiques n’en sont pas moins le reflet pour la majorité d’entre elles d’une ignorance ou d’une méconnaissance des implications juridiques, bien réelles celles-ci, qu’entraîne le choix d’un régime séparatiste. Il s’agit pour le Professeur Leleu d’une anomalie voire d’une aberration qui se trouve concerner un nombre toujours plus croissant de couples soumis au régime du droit commun. Or, « le droit commun est fait pour les gens qui font des affaires ou sont dans la sphère économique et ne sont pas touchés par des sentiments amoureux qui gênent leur libre-arbitre. Tous nos séparatistes sont dans cette situation, et les aménagements que la jurisprudence apporte au droit commun sont insuffisants ». Dans ces conditions, quelques pistes sont envisagées pour remédier à cette situation. (3) « La source d’alimentation principale de ce patrimoine d’acquêts est le revenu professionnel de chaque époux ou sa force de travail si celle-ci n’est pas rémunérée. Les revenus et force de travail des deux époux sont censés contribuer de manière équivalente à la constitution de tous les acquêts, car leur partage par moitiés n’est jamais considéré comme un avantage matrimonial. C’est ce qui donne souffle et grandeur au régime en communauté », Yves-Henri Leleu, Le droit patrimonial des couples, p.133, §112. |
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