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Au « service » du joueur de tennis
02/06/2015

Données plus fines

Bien sûr, ces conclusions restent individuelles, personnelles, et ne peuvent que très difficilement être à l’origine de conseils généraux à tous les joueurs de tennis. « Chaque joueur est unique : il a ses propres caractéristiques et qualités physiques, sa propre technique, ses propres forces et faiblesses. Tirer des conclusions qui seront valables pour tous les joueurs est impossible, mais des grandes lignes pour éviter des mouvements inadéquats peuvent néanmoins en être retirées », précise Cédric Schwartz.

Dans le cas qui nous occupe, les analyses ont montré que le joueur effectuait un mouvement de bascule du bassin (antéversion) de plus grande amplitude que les autres joueurs. « Si ce problème pouvait être constaté sur une simple vidéo en 2D, grâce à la 3D, il était possible de le quantifier. Et il était possible de le voir quelle que soit la position du joueur par rapport aux caméras, puisque les capteurs nous fournissaient les informations. Ce qui n’aurait pas été le cas par une simple vidéo. C’est tout l’intérêt de l’analyse en 3D. Nous avons vu que cette bascule du bassin pouvait être influencée par un déficit de force de poussée des jambes combiné à des amplitudes d’extension de jambes qui étaient incomplètes. Nous avons aussi pu constater chez ce joueur, grâce à l’analyse isocinétique notamment, que cela n’était pas dû à une faiblesse au niveau musculaire (ischio-jambiers) mais plutôt à une raideur de ceux-ci », explique François Tubez.

Car il s’agit d’observer toute la chaîne pour comprendre pourquoi ces mouvements et ces défauts causent la douleur. Et de pouvoir conseiller une prise en charge pour éviter qu’elle ne se reproduise. Cette analyse a ainsi mené à conseiller différents exercices spécifiques, comme des exercices de gainage abdominal. « Les résultats de l’analyse ont été transmis à l’entraîneur qui a pu adapter ensuite ses entraînements en fonction de nos observations. Et nous avons pu constater lors du test suivant une amélioration du mouvement », se réjouit-il.

LAMH Tennis service

Difficile changement…

Lors de l’apprentissage d’un sport, de ses gestes spécifiques, nous pouvons avoir tendance à adopter de mauvaises habitudes qui, pourtant, paient en termes de performances… « S’il n’est pas possible de dire pour chaque sport ce qu’il faut et ne faut pas faire, nous sommes capables de voir, lorsqu’un sportif évolue dans son sport, des mouvements ou des postures que l’on sait néfastes pour son corps. Car dans chaque sport il y a des blessures récurrentes. Et souvent, il est possible d’y remédier par des adaptations. Le problème est que si le joueur estime qu’il doit continuer à jouer ainsi pour rester performant, il risque bien de ne pas être réceptif à nos conseils… » Par exemple, lorsque les joueurs amateurs regardent jouer un joueur du calibre de Rafael Nadal et le voient passer son bras au-dessus de sa tête après un coup droit, ils pourraient être tentés de l’imiter. Or, ce geste n’est pas nécessairement adapté à leur gabarit, leur morphologie, leur forme physique… Mais convaincus de l’efficacité de ce geste de champion, ils ne seront pas motivés à arrêter de le pratiquer… « Nous pourrions, face à des joueurs prenant des risques dans leurs mouvements, leur proposer une analyse biomécanique pour observer les conséquences d’une telle gestuelle. Mais pas sûr qu’une correction porterait ses fruits en termes de prévention… Sans compter l’avis des entraîneurs qui n’ont pas toujours la possibilité de faire changer les habitudes de leur champion, d’autant plus s’il est pris dans une période de tournois. Car le classement international oblige à jouer beaucoup, ce qui ne laisse pas beaucoup de temps pour s’adapter à de nouvelles habitudes », enchaîne Cedric Schwartz.

Prévention chez les jeunes

Peut-on dès lors profiter des analyses portant sur des sportifs blessés, et des conclusions qui ont été tirées de ces cas pour inculquer à des jeunes des habitudes plus bénéfiques ? Manifestement, ce n’est pas exclu : « Cette année, nous avons accueilli des enfants de 8 à 11 ans membres de l’AFT, dans l’idée d’analyser spécifiquement la gestuelle de chacun et de sensibiliser leurs entraîneurs à la nécessité de procéder, éventuellement, à des changements sur le plan biomécanique. Car bien qu’ils fassent déjà partie de l’élite, ils sont encore jeunes et toujours dans l’apprentissage. Les mauvaises habitudes ne sont peut-être pas encore installées et leur schéma moteur est plus ‘malléable’. Nous leur avons fait passer une série de tests pour étudier individuellement et en comparaison avec un groupe contrôle, la poussée des jambes, le mouvement du bassin, l’impact de balle, etc : le but était aussi d’observer la séquence d’action des mouvements de toutes les parties du corps durant leur service. Et d’en tirer des conclusions, de les transmettre à leur entraîneur qui pourra alors leur donner des exercices précis et individualisés… », conclut François Tubez.

Enfin, ce qui est vrai pour le tennis peut aussi l’être pour d’autres sports. A travers les formations d’entraîneurs dispensées par l’Adeps, par exemple. Celle-ci a en effet revu la formation de ses cadres, qui aborde désormais les aspects liés à la biomécanique, pour leur donner les grands principes, les protocoles pour détecter les comportements à risque. Cette professionnalisation, qui se voit dans la plupart des pays, mais surtout dans les plus grands clubs, ne peut que bénéficier à la performance de nos sportifs de haut niveau.

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