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Etudiant-entrepreneurs : une nouvelle mode?

Bernard Surlemont CB


Carte blanche publiée dans La Libre Entreprise du 16/05/2015

Par Bernard Surlemont (PhD) professeur d’entrepreneuriat à HEC-Ecole de gestion de l’Université de Liège.

Les entrepreneurs qui ont fondé des entreprises comme Microsoft, Apple, Google et autres Facebook, étaient tous étudiants au moment de lancer leur entreprise. Ils étaient aussi tous... américains. Développer l’esprit d’entreprendre chez les jeunes européens et leur donner la possibilité d’allier cursus académique et expérience entrepreneuriale sont des enjeux importants pour l’avenir de notre région. En Belgique, les jeunes n’ont jamais eu une vision aussi positive de l’entrepreneuriat, pourtant seulement 3 % d’entre eux décident de passer à l’acte entrepreneurial pendant ou juste après leurs études. Il est pourtant démontré que les chances de survie d’une jeune société augmentent avec le niveau d’études de ses fondateurs.  Pourtant, plus une personne est diplômée, moins elle sera tentée de créer une entreprise, en raison du coût d’opportunité associé à des alternatives de contrats de travail stables et bien rémunérés. Cette tendance semble toutefois s’inverser progressivement. D’abord parce que le marché de l’emploi des jeunes diplômés est moins florissant que jadis et ensuite parce que les jeunes aspirent de plus en plus à créer leur emploi dans lequel ils peuvent mettre du sens.

Dans ce contexte, il est nécessaire de mettre en place un environnement favorable à la création de nouvelles entreprises pour les étudiants. En effet, si certains disent parfois qu’il faut d’abord acquérir une expérience de salarié avant de créer sa boîte, le jeune étudiant est, paradoxalement, dans des conditions idéales pour prendre un risque entrepreneurial. Il est souvent toujours dans son cocon familial. Cela signifie sans charges locative, financière (crédit) ou familiale. Sa vie d’étudiant lui permet par ailleurs de se tester, se lancer en douceur sans urgence particulière et valider son idée dans une démarche de lean start-up. Aujourd’hui, sur le terrain, s’essayer à la création d’entreprise ressemble, pourtant, trop souvent à un véritable parcours du combattant pour l’étudiant sans   soutien particulier et reconnaissance explicite du monde académique. Les étudiants- entrepeneurs sont rares. Trop souvent, ils renoncent à leur projet ou abandonnent leurs études. Ce qui leur manque le plus, c’est l’expérience, le réseau de contact et une certaine crédibilité, sans parler du contexte kafkaïen de leur statut social et fiscal.

Certaines initiatives visant à rencontrer ces besoins pointent toutefois du nez. Ainsi par exemple, l’Université de Liège et HEC-ULg ont mis en place le VentureLab. Il s’agit d’un dispositif original d’accompagnement de projets de création d’entreprises pour étudiants et jeunes diplômés de l’enseignement supérieur des provinces de Liège et de Luxembourg.

 

Zukerberg Facebook

Ce dispositif repose sur trois piliers majeurs. Le premier est le statut d'"Étudiant-Entrepreneur" qui permet à l’étudiant d’une part de conjuguer plus facilement études et activité entrepreneuriale et d’autre part de voir reconnaître l’importance de sa démarche à l’égard des enseignants de sa faculté, ses contacts d’affaires et ses parents.
Le second est l’accompagnement réalisé par des entrepreneurs confirmés qui apportent au jeune entrepreneur expérience et réseaux. Ce coaching est complété par le recours à des chèques entrepreneurs qui sont octroyés, gratuitement, par des experts dans tous les domaines potentiellement utiles pour un jeune entrepreneur. Le troisième pilier est la mise à disposition d’un espace de co-working avec toute la bureautique utile. Le jeune « vient bosser » dans un environnement professionnel et soutenant.

Il est encore trop tôt pour tirer des enseignements de ce dispositif qui accompagne près d’une cinquantaine de jeunes après six mois d’existence. Mais il concoure indéniablement à répondre aux besoins des jeunes qui souhaitent entreprendre leur rêve. Si les USA ont vu tant de success stories lancées par des étudiants, c’est aussi parce que l’encouragement à entreprendre y est quasiment culturel. Chez nous, même si certaines initiatives de soutien à l’entrepreneuriat ont parfois un côté un peu « bling bling » qui donne le sentiment de starifier le jeune entrepreneur, l’entrepreneuriat-étudiant n’a rien d’une mode. Elle est stratégique. Si nous souhaitons que la vielle Europe se positionne dans la cour des grands, il est essentiel de multiplier les initiatives comme le VentureLab.


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