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(Re)penser l’(in)sécurité

18/05/2015

A première vue, du moins si l’on en juge par la prolifération des infos sanglantes à la « une » des journaux télévisés, la violence est partout. Et pourtant ! Au regard des siècles et des décennies, jamais la paix civile n’a autant régné. Et jamais notre société n’a été si efficace pour se protéger peu ou prou des actes d’agression et de terrorisme.

D’où vient alors cette impression, communément décrite, que les actes de violence grave  envahissent nos esprits ? Des médias pour partie, dont on sait qu’ils se livrent - au bon prétexte d’informer, une concurrence féroce sur ce terrain juteux. Mais cela n’explique pas tout. Si notre sensibilité à la violence grandit, c’est aussi que nos politiques publiques, pour mieux la contrôler, la mesurent de plus en plus finement.

Un ouvrage collectif (1) – multidisciplinaire et transversal - publié sous la direction de Sophie Wintgens, Geoffrey Grandjean et Stéphanie Vanhaeren du Département de Science politique de l’Université de Liège, vient opportunément nous rappeler le rôle fondamental que jouent les sentiments d’(in)sécurité dans nos sociétés contemporaines. « L’insécurité en question – Définition, enjeux et perspectives », nous propose aussi quelques nouveaux outils théoriques et méthodologiques en la matière.

COVER insecurite questionOn sait que l’(in)sécurité est un objet classique d’étude en science politique. Les sociologues Norbert Elias, Max Weber, Alexander Wendt, pour ne citer qu’eux, s’y sont attelés en montrant par exemple que l’exercice de la sécurité   - compétence régalienne et monopolistique de l’Etat, est un subtil mélange entre contrainte et recherche constante de légitimité.

Comment la sécurité est-elle exercée et garantie quotidiennement dans les systèmes politiques ? Quels en sont les acteurs ? Comment se manifeste-t-elle ? Quelles formes prend-elle ? Beaucoup de chercheurs ont étudié ces questions « objectives ». Encore fallait-il s’interroger, complémentairement, sur la manière (subjective) dont les citoyens perçoivent et jugent l’(in)sécurité. Avec ou sans parenthèse(s)...

Telle est la thématique qui est décortiquée dans le présent ouvrage. A travers une dizaine de contributions, le lecteur est convié à réfléchir sur le fait que l’(in)sécurité est construite subjectivement et qu’elle peut être appréhendée, à travers l’histoire des idées, « dans le cadre d’une remise en question théorique et méthodologique des concepts et pratiques d’(in)sécurité(s) ». Tout un programme !

Sophie Wintgens et Geoffrey Grandjean, qui ont coordonné l’ouvrage, sont deux chercheurs très actifs au sein du Département de Science politique de l’Université de Liège. Ils insistent sur ceci : « les questions sécuritaires se sont dénationalisées au fil du temps, parce que la menace - liée notamment au terrorisme, ne peut plus être appréhendée exclusivement à l’échelle d’un pays ou d’une nation. La recherche, en la matière, doit elle aussi se re-définir, en se décloisonnant et en misant sur l’approche transnationale et sur la multidisciplinarité ». Les deux chercheurs constatent aussi que l’(in)sécurité est un concept en pleine évolution. « D’une part, les équilibres à trouver entre les politiques sécuritaires et les libertés fondamentales deviennent de plus en plus complexes. D’autre part, les pouvoirs publics ont parfois tendance à se désinvestir de ces matières sensibles et à faire appel à des acteurs privés. Pour appréhender ces phénomènes, il faut rompre avec la vision classique de la sécurité » !

L'ouvrage « L’insécurité en question » - publié aux Presses universitaires de Liège - s’inscrit dans la foulée d’un colloque qui s’est tenu à Liège, le 15 mai 2013, dans le cadre des « Après-midis de Recherche en Science politique », un forum destiné à promouvoir les travaux des jeunes doctorants mais également de chercheurs plus aguerris. Une cinquantaine de chercheurs de nationalités et de formations diverses y ont pris part. On ne s’étonnera donc pas du caractère quelque peu kaléidoscopique de l’ouvrage qui en résulte et dont on lira ci-dessous un bref aperçu.

Une « culture policière » ?

Dans quelle mesure le fait d’être policier joue-t-il un rôle dans la perception que l’on a des phénomènes de délinquance et de leur évolution ? C’est la question que se pose tout d’abord David Pichonnaz (enseignant en sociologie et chercheur à l’Université de Lausanne), à l’entame d’une étude consacrée aux jeunes recrues de la police dans son pays.

L’auteur, qui s’est basé sur la méthode des entretiens « ethnographiques », a recueilli le témoignage de 21 individus, en prenant soin de faire varier le corps de police d’appartenance, le genre, l’âge, l’origine sociale, le type de parcours et le métier antérieurs de ses interlocuteurs

Premier constat : le discours sur la baisse généralisée du respect de l’ « autorité » est pour le moins répandu dans le monde policier (suisse). Toutes les policières et tous les policiers interrogés estiment que l’élément principal pouvant conduire un jeune vers la délinquance est le manque d’ « encadrement familial »  ainsi que l’absence de sévérité des systèmes scolaire et judiciaire qui échouent à transmettre les « limites » et le « cadre » nécessaire à un épanouissement satisfaisant des jeunes.

Mais on aurait tort de se limiter à ce diagnostic alarmiste et au « pessimisme » intrinsèque qu’il sous-tend. Pichonnaz montre en effet que ce pessimisme est « inégalement distribué » parmi les nouvelles recrues et qu’il est davantage déterminé, en définitive, par les origines et la trajectoire sociale des individus que par leur expérience professionnelle.

Le pessimisme du policier est bien plus prononcé parmi celles et ceux qui ont subi une perte de statut avant leur entrée dans le métier. De même, les origines rurales des individus renforcent ce sentiment. Leur diagnostic pessimiste, précise l’auteur, relève de « figures du discours anti-urbain » classiques, dont l’un des ressorts est l’idée que la ville dissoudrait « la communauté ancestrale » et où « le village représente le bon vieux temps perdu, où les hommes vivaient en harmonie ». Au contraire, les individus issus des classes moyennes ou qui se positionnent dans une phase d’ascension sociale ont une vision moins pessimiste des phénomènes de délinquance.

Comme de nombreuses études l’attestent, le pessimisme a des conséquences négatives, voire néfastes, sur le professionnalisme policier. A méditer...

Qui a peur de l’Allemagne après la guerre ?

Sujet totalement différent que celui traité par Christoph Brüll (chercheur qualifié du FRS-FNRS et maître de conférences en Histoire contemporaine à l’Université de Liège). Il se concentre lui sur le rapprochement entre la Belgique et l’Allemagne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Plus précisément, il s’attache à présenter la politique mise en place pour intégrer la République Fédérale (RFA) dans le « bloc occidental » afin de garantir la sécurité de la Belgique.

Dès le 5 mai 1955, soit 10 ans après la fin du second conflit mondial, la RFA a recouvré sa souveraineté et est devenue membre du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ce qui impliquait la création d’une armée allemande et le réarmement du jeune Etat. Par ailleurs, depuis novembre 1955, la Belgique et la RFA sont entrées dans des négociations en vue de liquider les principales séquelles de 1940-1945 et qui se solderont par un accord bilatéral quelques mois plus tard. Enfin, la construction européenne est entrée dans une nouvelle dynamique qui la conduira aux Traités de Rome du 25 mars 1957. Pour nos deux pays, il s’agit en somme de normaliser leurs relations par l’ « européanisation ».

Dans ce processus politique extrêmement rapide, « la défiance a disparu, mais pas la méfiance ». A l’époque, on se représente encore l’Allemagne comme une nation intrinsèquement dotée d’une « volonté hégémonique » qu’il s’agit d’endiguer par son intégration dans le bloc occidental. Telle sera, comme l’analyse Christophe Brüll, le fil conducteur des principaux ministres belges des Affaires étrangères qui ont tour à tour œuvré au rapprochement belgo-allemand : Paul-Henri Spaak, Paul van Zeeland et Pierre Harmel.

Pendant 35 ans, autrement dit jusqu’à la réunification allemande de 1990, la politique belge dans la « question allemande » se caractérisera par un paradoxe apparent  que Brüll s’attache à mettre en lumière : une politique de rapprochement, accompagnée d’une rhétorique de méfiance, expression – à ses yeux – de la recherche de sécurité qui est au centre de cette politique.

Pour Brüll, cette notion de « sécurité » ne doit pas se comprendre de manière purement stratégico-militaire. Elle doit aussi intégrer des facteurs plus soft de la science politique et de la sociologie, notamment « la peur ». La sécurité ou le besoin de sécurité ne sont pas des concepts statiques, voire a-historiques, suggère-t-il en s’appuyant sur les travaux scientifiques existants. « Il s’agit de constructions sociales, largement tributaires de formes d’identité et de rapports à l’altérité ».

En s’inspirant également de la documentation diplomatique, des sondages d’opinion et de la presse écrite, l’auteur examine en détail la « peur diffuse » qui a caractérisé la politique belge à l’égard de l’Allemagne, après 1947, alors que l’URSS était clairement définie comme le « nouvel ennemi ». La question de la place du nouvel Etat allemand occidental deviendra d’ailleurs brûlante, précise-t-il, au moment du blocus de Berlin et surtout de la guerre de Corée.

Malte, l’ « île-prison »

Léa Lemaire (doctorante à Science-Po Aix et à l’Université Libre de Bruxelles) étudie pour sa part les processus de sécuritisation et d’insécuritisation face au phénomène d’immigration à Malte, depuis l’adhésion de l’île-Etat à l’Union européenne (2004).

Au début des années 2000, suite au renforcement des mesures de contrôle sur le détroit de Gibraltar et dans les îles Canaries, les routes de l’immigration irrégulière se sont déplacées vers la Méditerranée et les arrivées de migrants se sont multipliées à Malte, à Lampedusa et en Sicile. Entre 2002 et 2012, 16.000 migrants, originaires pour la plupart d’Afrique subsaharienne, ont débarqué à Malte, à raison d’environ 1.500 personnes par an.

L’article de Léa Lemaire interroge le dispositif sécuritaire mis en place par les autorités maltaises en la matière. Pour mettre en lumière la « spécificité du cas maltais », l’auteure a mené son enquête, entre 2010 et 2013, dans plusieurs centres de regroupement, véritables « camps d’étrangers ». Elle montre comment et à quel point l’enfermement des migrants (sécuritisation), vivement critiqué par le Conseil de l’Europe pour son manque de dignité humaine, s’est institutionnalisé dans l’urgence. Cela a contribué, explique-t-elle, à stigmatiser un groupe d’individus comme une menace pour la société.

En maltais, les migrants subsahariens sont désignés par le terme « klandestini ». Ce qui se traduit, dans la pratique, par de nombreuses discriminations dans tous les domaines. Ainsi, l’(in)sécuritisation contribue-t-elle à séparer une population, considérée comme « dangereuse », du reste de la société. Et à faire de Malte un « syndrome » de la restriction des libertés à la lisière de l’Union européenne... Une île-prison ? En effet.

L’(in)sécurité nucléaire au Moyen-Orient

Les politiques en matière de sécurité peuvent avoir des conséquences qui dépassent les frontières de plusieurs Etats... Kamal Bayramzadeh (enseignant et chercheur en Relations internationales à l’ULg et à celle de Paris 13) analyse quant à lui les enjeux sécuritaires de la prolifération nucléaire au Moyen-Orient, en particulier le projet nucléaire iranien  qui préoccupe tant l’Etat hébreu, les puissances régionales avoisinantes et les Etats-Unis. Bayramzadeh offre une définition large de la sécurité dans la mesure où, considère-t-il, la prolifération nucléaire peut avoir  des conséquences aux plans militaire et environnemental.

Selon Kamal Bayramzadeh, le nucléaire militaire israélien constitue un facteur de prolifération (même si Israël affirme la vocation défensive de son programme), car il a modifié les rapports de force au Moyen-Orient. L’Irak, l’Iran et la Syrie se sont lancés dans des projets nucléaires pour augmenter leur sécurité et leur puissance politique. Le scénario pessimiste qu’il brosse, au fil de son analyse, est le suivant : la poursuite de cette « course au nucléaire » pourrait causer le déclenchement d’une guerre entre les différents acteurs régionaux. La confrontation indirecte de l’Arabie saoudite avec l’Iran au Liban, en Irak et en Syrie par l’intermédiaire des terroristes islamistes s’inscrit dans cette rivalité régionale. Une paix juste et démocratique entre la Palestine et Israël, mais aussi la « nouvelle diplomatie nucléaire iranienne » sont les principaux éléments qui pourraient entraver le scénario pessimiste. Et l’auteur de préconiser la mise en place du projet onusien de « Zone Exempte d’Arme Nucléaire » (ZEAN).

L’UE, seule voie viable pour l’ex-Yougoslavie

Dans le même ordre d’idée, Liridon Lika (Département de Science politique de l’ULg) explore le rôle joué par l’Union européenne dans le processus de pacification à long terme des Balkans occidentaux. Il montre qu’avec sa politique actuelle d’élargissement - où la démocratie et les droits de l’homme doivent primer avant tout,  militairesl’Union européenne est devenue l’autorité la plus visible et probablement la seule alternative viable pour assurer la paix, la stabilité, la réconciliation ainsi qu’un avenir économique durable à la région. Toutefois, nuance Liridon Lika, l’UE ne parvient pas à agir en tant que bloc homogène. Elle manque par moment d’autonomie vis-à-vis de ses Etats membres et de cohérence dans sa stratégie d’action, ralentissant ainsi les réformes et le rythme d’adhésion de certains Etats des Balkans occidentaux dans la famille européenne.

Dès lors, conclut-il, sans l’apport d’une solution définitive aux conflits balkaniques, l’élargissement au cas par cas sera vraisemblablement porteur de défis sécuritaires dans la mesure où l’Etat qui le premier joindra l’UE disposera de la possibilité d’ensuite s’opposer, du moins à court et à moyen termes, à l’adhésion de ses voisins, menaçant ainsi la perspective européenne de la région.

L’(in)sécurité, un sentiment ?

En termes d’images affectives, différents auteurs s’attardent expressément sur le sentiment d’(in)sécurité. Alix Dassargues (doctorante ULg) analyse, de manière originale et sans doute inédite, le sentiment d’(in)sécurité linguistique - c’est-à-dire le sentiment de confiance que ressent ou non une personne vis-à-vis de ses pratiques linguistiques, en présentant les attitudes et les représentations de jeunes francophones de Gand. Pour explorer ce sentiment, l’auteure a eu recours à une méthode en trois temps : récolte de données quantitatives par questionnaire, réalisation d’entretiens informels et observation d’activités collectives entre francophones. Dans sa contribution, elle montre que différents facteurs affectent le sentiment d’(in)sécurité linguistique : le niveau de scolarisation, la pratique écrite ou orale de la langue, l’âge et les relations interpersonnelles.

Gyöngyver Demeny (doctorante en sociologie à l’Université de Rouen-Haute Normandie), et Michalis Lianos, (professeur dans la même institution), se sont demandés quant à eux comment les changements socio-économiques, donc structurels et institutionnels, contribuent à l’intense insécurité dans les sociétés contemporaines. Comment celle-ci se manifeste-t-elle dans la vie quotidienne des individus et dans leurs trajectoires biographiques ? Quel  est le rôle joué par les mutations en cours dans des domaines aussi variés que la santé, l’emploi, l’environnement, les relations interpersonnelles ?

Leur travail s’inscrit dans le cadre du projet de recherche européen « Incertitude et insécurité en  Europe » et il s’appuie sur les données recueillies en la matière dans quatre pays de l’Union : le Royaume-Uni, la France, la Grèce et la Hongrie.

Pour les deux chercheurs, la vulnérabilité  et le sens accru de l’insécurité dans les sociétés post-industrielles est lié à ce qu’ils appellent l’atrophie de la « socialité directe » et à « la prolifération de la médiation institutionnelle ». Avec l’individualisation et le rétrécissement des protections assurées par l’Etat, les individus se trouvent en compétition pour un accès toujours plus efficace aux institutions. Dans ce contexte, la possibilité d’être exclu représente une source de peur profonde et croissante. Même constat pour la « flexibilisation » de plus en plus grande du marché de l’emploi et la multiplication des emplois précaires.

Pour Demeny et Lianos, l’individualisation et l’accentuation de la compétition entre les individus peuvent conduire à l’affaiblissement des relations interpersonnelles ou familiales, par exemple. En revanche, de nouvelles identités sociales se forment, sous le signe de la solidarité et de l’altruisme, dans le cadre des « nouveaux mouvements sociaux ».

Que ressort-il des enquêtes représentatives menées dans les quatre pays européens précités ? Tout d’abord, que le sentiment d’insécurité des individus se développe partout. Si le phénomène d’individualisation est plus prononcé dans les pays de la modernité avancée, comme la France et le Royaume-Uni, il est aussi bien présent en Hongrie et en Grèce. Mais il apparaît que les gens, quel que soit leur pays, comptent d’abord et avant tout sur la cohésion sociale. Le socle d’un « avenir assuré » - des revenus suffisants, par exemple, c’est dans leur famille, chez leurs amis et dans le cadre d’une société « solidaire », qu’ils pensent pouvoir le trouver.

Problem-solving

Le contexte historico-politique influence l’expression des sentiments d’(in)sécurité. A cet égard, la contribution d’Audrey Weerts (Département de Science politique de l’ULg) et de Jean-Claude Mputu (Université de Mbandaka, RDC) se focalise sur le contexte socio-économique et ses effets sur les relations qui peuvent voir le jour entre « la paix, la sécurité et le développement » dans l’Etat fragile qu’est la République Démocratique du Congo (RDC). Après avoir défini les trois concepts de ce triptyque, les auteurs tentent d’analyser comment ils se traduisent dans les discours et sur le terrain, notamment au travers des actions de la MONUC et de la MONUSCO. Ils constatent in fine la prévalence manifeste, mais nécessaire, des questions sécuritaires (telles que la neutralisation des groupes armés) sur les problématiques liées au développement. Pas de développement possible sans mettre un terme à la violence qui gangrène l’est du Congo et à l’impunité des crimes commis, notamment à l’encontre des femmes. On peut disputer du rôle joué par l’ONU, mais il faut reconnaître, concluent-ils, que sa présence en RDC, en tant qu’instance de légitimation, exerce une influence politique favorable en vue d’un traitement davantage  égalitaire des trois concepts du triptyque : paix, sécurité, développement.

Dans une perspective similaire de problem-solvingAndré Dumoulin (Institut Royal Supérieur de Défense et Département de Science politique de l’ULg) démontre pour sa part que la médiatisation en matière de sécurité et de défense constitue également un enjeu politique important. En considérant, résultats empiriques à l’appui, le rôle des médias (par l’influence qu’ils exercent sur les décideurs) et celui des opinions publiques (en tant que « baromètre politique ») comme variables notables mais non décisives dans les processus décisionnels, l’auteur met finement en lumière les lignes de forces et les faiblesses de la stratégie de communication propre à la Politique Européenne de Sécurité et Défense (PESD), en comparaison avec celle de l’Alliance Atlantique (OTAN). Les recommandations qu’il livre, sur la base de ce constat, reflètent le poids des représentations médiatiques dans le processus de construction d’une identité collective européenne et atlantique visible, crédible et efficace en matière d’(in)sécurité et de défense communes.

Enfin, Céline Parotte et Grégory Lits analysent le traitement médiatique, entre 2009 et 2011, du Plan Déchets mis en place par l’Ondraf (Organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles), en Belgique, en se focalisant sur la manière dont ce plan constitue en lui-même un problème public en termes de sécurité.  Pour ce faire, ils étudient les interactions entre cet organisme, les médias, le public, certaines associations environnementales et les décideurs politiques.

Au final, le kaléidoscope offert par l’ouvrage « L’insécurité en question » permet d’envisager cette matière sous de multiples définitions et enjeux, tout en insistant sur les perspectives ouvertes par les recherches sur ce sujet brûlant. Pour Sophie Wintgens et Geoffrey Grandjean, cette quête de perspectives amène les chercheurs à élargir leurs analyses à de nouvelles dimensions et à intégrer dans leurs analyses le traitement d’un aspect fondamental du processus de sécurisation, à savoir la question de la problématisation de la sécurité.

(1) L’insécurité en question – Définition, enjeux et perspectives, sous la direction de Sophie Wintgens, Geoffrey Grandjean et Stéphanie Vanhaeren, Presses universitaires de Liège, 2015.


© Universit� de Li�ge - https://www.reflexions.uliege.be/cms/c_387998/fr/-re-penser-l-in-securite?printView=true - 20 avril 2024