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(Re)penser l’(in)sécurité
18/05/2015

Une « culture policière » ?

Dans quelle mesure le fait d’être policier joue-t-il un rôle dans la perception que l’on a des phénomènes de délinquance et de leur évolution ? C’est la question que se pose tout d’abord David Pichonnaz (enseignant en sociologie et chercheur à l’Université de Lausanne), à l’entame d’une étude consacrée aux jeunes recrues de la police dans son pays.

L’auteur, qui s’est basé sur la méthode des entretiens « ethnographiques », a recueilli le témoignage de 21 individus, en prenant soin de faire varier le corps de police d’appartenance, le genre, l’âge, l’origine sociale, le type de parcours et le métier antérieurs de ses interlocuteurs

Premier constat : le discours sur la baisse généralisée du respect de l’ « autorité » est pour le moins répandu dans le monde policier (suisse). Toutes les policières et tous les policiers interrogés estiment que l’élément principal pouvant conduire un jeune vers la délinquance est le manque d’ « encadrement familial »  ainsi que l’absence de sévérité des systèmes scolaire et judiciaire qui échouent à transmettre les « limites » et le « cadre » nécessaire à un épanouissement satisfaisant des jeunes.

Mais on aurait tort de se limiter à ce diagnostic alarmiste et au « pessimisme » intrinsèque qu’il sous-tend. Pichonnaz montre en effet que ce pessimisme est « inégalement distribué » parmi les nouvelles recrues et qu’il est davantage déterminé, en définitive, par les origines et la trajectoire sociale des individus que par leur expérience professionnelle.

Le pessimisme du policier est bien plus prononcé parmi celles et ceux qui ont subi une perte de statut avant leur entrée dans le métier. De même, les origines rurales des individus renforcent ce sentiment. Leur diagnostic pessimiste, précise l’auteur, relève de « figures du discours anti-urbain » classiques, dont l’un des ressorts est l’idée que la ville dissoudrait « la communauté ancestrale » et où « le village représente le bon vieux temps perdu, où les hommes vivaient en harmonie ». Au contraire, les individus issus des classes moyennes ou qui se positionnent dans une phase d’ascension sociale ont une vision moins pessimiste des phénomènes de délinquance.

Comme de nombreuses études l’attestent, le pessimisme a des conséquences négatives, voire néfastes, sur le professionnalisme policier. A méditer...

Qui a peur de l’Allemagne après la guerre ?

Sujet totalement différent que celui traité par Christoph Brüll (chercheur qualifié du FRS-FNRS et maître de conférences en Histoire contemporaine à l’Université de Liège). Il se concentre lui sur le rapprochement entre la Belgique et l’Allemagne, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Plus précisément, il s’attache à présenter la politique mise en place pour intégrer la République Fédérale (RFA) dans le « bloc occidental » afin de garantir la sécurité de la Belgique.

Dès le 5 mai 1955, soit 10 ans après la fin du second conflit mondial, la RFA a recouvré sa souveraineté et est devenue membre du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ce qui impliquait la création d’une armée allemande et le réarmement du jeune Etat. Par ailleurs, depuis novembre 1955, la Belgique et la RFA sont entrées dans des négociations en vue de liquider les principales séquelles de 1940-1945 et qui se solderont par un accord bilatéral quelques mois plus tard. Enfin, la construction européenne est entrée dans une nouvelle dynamique qui la conduira aux Traités de Rome du 25 mars 1957. Pour nos deux pays, il s’agit en somme de normaliser leurs relations par l’ « européanisation ».

Dans ce processus politique extrêmement rapide, « la défiance a disparu, mais pas la méfiance ». A l’époque, on se représente encore l’Allemagne comme une nation intrinsèquement dotée d’une « volonté hégémonique » qu’il s’agit d’endiguer par son intégration dans le bloc occidental. Telle sera, comme l’analyse Christophe Brüll, le fil conducteur des principaux ministres belges des Affaires étrangères qui ont tour à tour œuvré au rapprochement belgo-allemand : Paul-Henri Spaak, Paul van Zeeland et Pierre Harmel.

Pendant 35 ans, autrement dit jusqu’à la réunification allemande de 1990, la politique belge dans la « question allemande » se caractérisera par un paradoxe apparent  que Brüll s’attache à mettre en lumière : une politique de rapprochement, accompagnée d’une rhétorique de méfiance, expression – à ses yeux – de la recherche de sécurité qui est au centre de cette politique.

Pour Brüll, cette notion de « sécurité » ne doit pas se comprendre de manière purement stratégico-militaire. Elle doit aussi intégrer des facteurs plus soft de la science politique et de la sociologie, notamment « la peur ». La sécurité ou le besoin de sécurité ne sont pas des concepts statiques, voire a-historiques, suggère-t-il en s’appuyant sur les travaux scientifiques existants. « Il s’agit de constructions sociales, largement tributaires de formes d’identité et de rapports à l’altérité ».

En s’inspirant également de la documentation diplomatique, des sondages d’opinion et de la presse écrite, l’auteur examine en détail la « peur diffuse » qui a caractérisé la politique belge à l’égard de l’Allemagne, après 1947, alors que l’URSS était clairement définie comme le « nouvel ennemi ». La question de la place du nouvel Etat allemand occidental deviendra d’ailleurs brûlante, précise-t-il, au moment du blocus de Berlin et surtout de la guerre de Corée.

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