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Un arc transpolaire découvert sur Saturne
29/04/2015

La Terre produit un champ magnétique par un phénomène de dynamo. Sans influence extérieure, sur un dessin, ce champ magnétique pourrait ressembler à une grosse pomme, dont le centre serait la Terre. La région contrôlée par ce champ constitue ce qu’on appelle la magnétosphère. Mais il y a une influence extérieure, et elle est de taille. C’est le soleil. Ou plutôt, ses vents, chargés en particules, qui embarquent avec eux le champ magnétique du Soleil. A l’avant, ces vents solaires compriment la magnétosphère terrestre. A l’arrière, les lignes de champ terrestres sont fortement étirées et forment la magnétoqueue. Ces vents solaires et le champ magnétique solaire qu’ils transportent englobent donc la Terre, la contournent et embarquent dans leur course sa magnétosphère. Une fois l’obstacle passé, ils continuent leur progression vers les confins du système solaire. C’est dans les régions reculées de la magnétoqueue qu’on observe des phénomènes de reconnexion des lignes de champ. 

vent solaire terre
Lors de ces reconnexions, une partie du vent solaire est capturée dans la magnétosphère. Le champ magnétique est déformé, étiré, presque comme un élastique, ce qui fournit de l’énergie au système. « Si vous étirez un élastique, illustre Denis Grodent, il va finir par casser et revenir sur vos doigts. L’énergie transférée de l’élastique à vos doigts va générer une douleur. ». La formation des aurores polaires est générée par un même phénomène de transfert d’énergie. « L’énergie du champ magnétique déformé est transférée dans la magnétoqueue. Cette énergie va chauffer les particules qui s’y trouvent, et les exciter. Elles vont circuler le long des lignes de champ magnétique terrestres et remonter jusqu’aux pôles. » En entrant en contact avec l’atmosphère, elles vont exciter les atomes et les molécules qui la composent (oxygène, hydrogène, azote). Ces atomes, qui ne peuvent rester dans un état d’excitation, vont libérer de l’énergie en émettant des photons, les particules élémentaires de la lumière, et former les aurores. 

Les photons ne sont donc émis que dans l’atmosphère. Et les aurores n’apparaissent qu’une fois que l’interaction entre les différentes particules de la magnétoqueue et des lignes de champ magnétique solaires ont eu lieu. Elles ne sont que la manifestation d’une perte d’énergie. La signature d’une interaction entre des ions, des électrons et un champ magnétique déformé, la trace d’un phénomène énergétique qui ne se trouve pas directement dans l’atmosphère, mais qui a lieu à cause d’un changement topologique des lignes de champ magnétiques. « Et un apport d’énergie, ce n’est jamais gratuit. Il faut toujours le payer. Dans ce cas-ci, c’est le Soleil qui paie l’addition. L’énergie vient du vent solaire, et on la retrouve dans les ions ». 

Un processus interne pour les géantes gazeuses, l’exemple de Jupiter

Mais ce phénomène de reconnexion entre vent solaire et champ magnétique dans la magnétoqueue n’est pas la seule cause d’apparition des aurores. Sur certaines planètes, ces processus sont internes, et ne dépendent pas du soleil. C’est le cas de Jupiter. « L’effet du vent solaire y est très faible, explique Denis Grodent. Le champ magnétique de Jupiter est tellement gigantesque qu’il blinde la magnétosphère et empêche la reconnexion entre ses lignes de champ magnétique et celles du soleil.  Pourtant, les aurores observées sur Jupiter sont d’une intensité inimaginable. La puissance qu’elles génèrent se mesure en térawatts, et est bien supérieure à ce que nous pourrions produire sur Terre avec toutes les centrales nucléaires en fonction. « Au point que ce sont principalement les aurores qui chauffent l’atmosphère de Jupiter, expliquent les deux planétologues, et de plusieurs centaines de degrés. Ce n’est pas le soleil. » 

Mais le processus causal de ces empreintes aurorales est interne et lié à la rotation très rapide de Jupiter, qui emmène avec elle son champ magnétique et les particules chargées qu’il contient. C’est un autre ingrédient de la magnétosphère, entraîné aussi par la rotation de la planète, ne suivant pas la cadence, qui vient contrarier toute la mécanique physique du processus : le plasma. Dans le cas de la magnétosphère de Jupiter, c’est la lune volcanique Io qui est la principale source de plasma. Une partie des molécules éjectées lors des éruptions volcaniques permanentes (Io est probablement l’objet le plus volcanique du système solaire) se retrouvent dans l’atmosphère d’Io. Ces molécules d’oxyde de soufre peuvent alors y être cassées et ionisées par le rayonnement UV du Soleil ou par les collisions avec le plasma ambiant et échapper à l’attraction gravifique d’Io pour remplir d’ions et d’électrons (de plasma) la magnétosphère de Jupiter. 

« Il ne tourne pas assez vite, et selon les lois de l’électromagnétisme, ce n’est pas possible. Ou en tout cas, le système va tendre à le ramener à une même vitesse de rotation. Des mécanismes sont mis en place pour tenter de remédier à ce retard à la co-rotation. C’est le principe du forçage à la co-rotation. Une partie infime de l’énergie de rotation de Jupiter qui est transférée à ce plasma par des courants électriques qui vont générer une force capable d’accélérer le mouvement du plasma. Ce sont ces courants électriques qui vont circuler le long des lignes de champ magnétique, pour finir par exciter l’atmosphère et émettre des rayonnements d’une grande intensité. »

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