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La thaxtomine, un désherbant en or ?
16/04/2015

Une histoire belge

Réveillon de Noël 2012, bingo ! En pleine préparation des festivités, PREDetector détecte des motifs d’ADN (les serrures) reconnues par le répresseur transcriptionnel CebR (la clé) dans et à proximité des gènes de synthèse de la thaxtomine chez Streptomyces scabies. C’est cette molécule qui permet à S. scabies de s’attaquer aux racines et tubercules des plantes pour pomper leurs réserves nutritionnelles et qui est à l’origine de ces affreux cratères brunâtres sur les patates.

De retour au labo, il informe Samuel Jourdan des prédictions de PREDetector et quelques semaines plus tard ce dernier confirme que la clé qui entre dans la serrure est bien CebR, le répresseur transcription de l’utilisation de la cellulose. Les chercheurs liégeois décident de faire part de leur découverte au Prof. Rosemary Loria de l’Université de Floride à Gainesville (USA), pionnière dans ce domaine de recherche depuis près de 20 ans. A Gainesville, une autre belge, le Dr Isolde Francis, bénéficie d’une bourse postdoctorale dans le but de justement élucider les mécanismes d’induction de la production de thaxtomine de S. scabies.

« Révéler des résultats non publiés est une démarche assez rare en Sciences. En général, on préfère garder ses découvertes pour soi, d’une part de peur de se faire flouer et, d’autre part, parce que toute divulgation publique anéantit la possibilité de dépôt de brevet. Néanmoins, en ce qui nous concerne, et ce pour tous nos sujets de recherche, nous avons toujours contacté les principaux intéressés afin de partager et commenter nos résultats. Ne pas prendre contact avec Rosemary Loria eut été une faute professionnelle ! C’est LA spécialiste du sujet, on se réjouissait de pouvoir travailler avec elle. ».
 
L’entente est donc parfaite entre les chercheurs belges de Liège et de Gainesville, et le travail est équitablement réparti : les expériences in vitro sont menées à Liège et les approches in vivo en Floride. Rapidement ils découvrent ensemble la manière dont S. scabies déclenche son comportement pathogène et génèrent une série de mutants hyper-producteurs ou, au contraire, non producteurs de thaxtomine.

Un double système de verrouillage

Comment ça marche? « S. scabies doit détecter la présence de son hôte dans l’environnement. Sans cette perception il n’y a pas de production de thaxtomine et donc pas d’attaque des plantes, observe Samuel Jourdan.

Avec nos collègues de l’Université de Floride, nous avons compris comment ce signal est perçu par Streptomyces scabies et comment celui-ci déclenche la production de la phytotoxine. »

Mais quel est ce signal ? C’est Rosemary Loria et ses collègues qui dès 2007, avaient découvert les éliciteurs environnementaux de la thaxtomine, ceux qui donnent ‘le top départ’ à la production de la toxine (3). Les molécules qui donnent le « feu vert », sont le cellobiose et le cellotriose (respectivement dimère et trimère de glucose), c’est-à-dire les composantes di- et trisaccharidiques de la cellulose que l’on retrouve dans les parois des cellules végétales(4).

Thaxtomin« En réponse  au cellobiose ou au cellotriose émanant des parois de la plante, CebR ne va plus réprimer l’expression des gènes qui codent non seulement pour la production de  la thaxtomine, mais aussi d’un gène, txtR, qui code pour un activateur de l’expression de ces mêmes gènes de synthèse. On est donc en présence d’un système de verrouillage à deux clés : une clé qui ferme, CebR, qui contrôle une clé qui ouvre, TxtR. Lorsque le cellobiose ou le cellotriose se fixe sur CebR, celui-ci ne peut plus empêcher l’expression de la clé qui ouvre, TxtR. L’inactivation du gène cebR résulte donc en une expression constante de txtR, et S. scabies présente un comportement hypervirulent car il surproduit la phytotoxine.», détaille Sébastien Rigali (Figure ci-contre).

(3) Wach MJ, Krasnoff SB, Loria R, Gibson DM. 2007. Effect of carbohydrates on the production of thaxtomin A by Streptomyces acidiscabies. Archives of microbiology 188:81-88.
(4) Johnson EG, Joshi MV, Gibson DM, Loria R. 2007. Cello-oligosaccharides released from host plants induce pathogenicity in scab-causing Streptomyces species. Physiological and Molecular Plant Pathology 71:18-25

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