Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Ecouter les herbiers de posidonies
25/03/2015

L’émission d’oxygène indique l’état de santé de l’écosystème

La production de matière organique d’un herbier est liée à son activité photosynthétique. L’intensité de cette activité est quant à elle dépendante de son état de santé. Et plus elle produit de la matière, plus elle émet de l’oxygène. On peut donc conclure que plus elle émet de l’oxygène, plus elle est en bonne santé. Un des enjeux de la recherche autour des posidonies est donc de parvenir à mesurer cette production d’oxygène. Depuis une dizaine d’années, un tel recensement a été facilité par la commercialisation d’optodes. Des petits appareils qui par un système optique sont capables de mesurer et d’enregistrer la quantité d’oxygène dissous dans l’eau. Donc la quantité d’oxygène produit par un écosystème. « Nous utilisons cette technologie à la station Stareso depuis bientôt 8 ans, expliquent les océanographes. Depuis, tous les jours, nous obtenons des données sur le taux d’oxygène dans la baie de Calvi. Des données sans précédent qui nous permettent de mesurer les variations d’oxygène et de comprendre comment l’herbier peut évoluer. C’est un outil comparatif incroyable, notamment si on veut observer l’état de santé d’herbiers en souffrance ».

Avant l’arrivée des optodes, la production d’un herbier était calculée en fonction de la variation de sa biomasse. Une méthode qui présentait plusieurs inconvénients. « Observer l’évolution de la production primaire d’un herbier est quelque chose de laborieux, explique Alberto Borges. Pour prendre un exemple plus simple, si nous voulons mesurer la production primaire de notre gazon, nous allons le tondre chaque semaine, peser cette tonte, et le tour sera joué. Dans l’eau, c’est plus compliqué. On ne peut pas tondre l’herbier de posidonies. Jusqu’il y a peu, il fallait plonger tous les jours, et développer des techniques d’échantillonnage assez complexes ». En plus, l’étude de la biomasse ne permet pas de rendre compte de toute la production de l’herbier. « Un herbier de posidonies produit jusqu’à 600 grammes de matière sèche par an par mètre carré, explique Willy Champenois. C’est ce qu’on mesurait jusqu’il y a peu. Mais si on s’arrête là, on passe à côté de tout un ensemble de matières organiques également produites lors de la photosynthèse, mais directement dissoutes dans l’eau, et qui ne s’expriment pas dans la biomasse. Par contre, la production d’oxygène dépend aussi de cette matière dissoute. On peut donc quantifier cette matière en étudiant l’oxygène, là où elle n’est pas comptabilisée si on étudie la seule matière sèche. » Enfin, les optodes tiennent compte de l’activité et de la production de l’ensemble de l’écosystème. L’herbier, s’il est en forme, est autotrophe. Ce qui signifie qu’il produit plus qu’il ne consomme. «  Ces excédents d’oxygène et de matière organique permettent à toute une faune hétérotrophes de vivre. Cette biodiversité a aussi un impact sur l’écosystème, impact également calculé au moyen des optodes ».

Plusieurs cycles de variation de l’émission d’oxygène

L’étude des variations de la production d’oxygène est déterminante pour comprendre les évolutions de l’écosystème et plus largement de notre environnement. Les données récoltées ces 8 dernières années ont permis de mesurer ces cycles à plusieurs échelles de temps. La première variation était journalière. Le jour, la lumière permet la photosynthèse, et la production d’oxygène est plus importante que la nuit. Un deuxième cycle était saisonnier.  « L’écosystème est moins exposé au soleil en hiver qu’en été, et produit donc moins d’oxygène. Son taux le plus bas, au mois de février, atteint un peu plus de 5 grammes par jour par mètre carré. En été, la production d’oxygène dépasse les 25 grammes. C’est trois fois plus que la production d’une forêt. Et puis à l’automne, les feuilles tombent, l’activité photosynthétique diminue, et le cycle recommence ». Il y a enfin les cycles inter-annuels. La variation de la production d’année en année est extrêmement importante. Ces cycles sont placés en perspective avec d’autres données, dont les données météorologiques.

Bien évidemment, les échelles sont encore trop petites pour souligner des tendances  générales, dans lesquelles l’activité humaine aurait un impact. « Nous sommes encore loin des climatologues, qui récoltent les variations de la température de l’air depuis près de deux siècles. Litter posidonia (c) Arnaud AbadieA de si grandes échelles, même si d’année en année la température peut monter et chuter, il est possible de dégager une tendance qui témoigne du réchauffement climatique. C’est la finalité de nos études, de pouvoir établir des séries de mesures suffisamment longues pour décrire les variabilités naturelles et en extraire les données causales de l’activité humaine. Nous maintiendrons un tel observatoire autant que possible pour pouvoir mesurer des tendances à long terme. Pour le moment, les variations inter-annuelles sont déjà très intéressantes. On essaie de les comprendre, et peut-être déjà de percer des causalités anthropiques ».

Page : précédente 1 2 3 4 suivante

 


© 2007 ULi�ge