L’article que vous lisez n’a pas –encore- été rédigé par un robot. Mais cela ne tardera sans doute pas, certaines dépêches de presse le sont déjà (elles concernent des comptes d’entreprises, des rencontres sportives ou des constatations de tremblements de terre par exemple), des traducteurs s’interposent dans vos conférences par Skype et la voiture sans pilote de Google a déjà parcouru plus d’un million de kilomètres sans anicroche aucune. Mieux que n’importe quel conducteur. Derrière ces bouleversements : les fabuleux progrès réalisés depuis quelques années par les systèmes d’intelligence artificielle. Dont certains sont dus à l’éclosion et au perfectionnement des jeux vidéos. Dans des recherches dont les résultats viennent d’être publiés (1), une équipe de l’Université de Liège revisite l’architecture des systèmes d’intelligence artificielle qui équipent les jeux vidéos en définissant un middleware, logiciel médiateur entre ce qui est commun à l’intelligence artificielle de tous les jeux et ce qui est spécifique pour chaque jeu.
Le laboratoire « Smart grids » de Damien Ernst, professeur au département d’électricité, électronique et informatique (Institut Montefiore) de l’Université de Liège, est sans doute davantage connu pour ses travaux sur les réseaux électriques et les risques de black out (lire Energie électrique : quel futur ? et sur son blog) que pour ses compétences en intelligence artificielle (IA). Pourtant, certains de ses travaux (lire Des réseaux électriques aux connexions entre neurones) donnent à penser que l’IA est une préoccupation qui sous-tend bien des recherches de ce groupe. « Nous avons une longue tradition d’utilisation des techniques d’IA pour la prise de décision dans les réseaux électriques, explique Damien Ernst. Les réseaux électriques sont en effet très complexes, l’être humain doit donc être assisté par des outils d’IA pour prendre de bonnes décisions. » L’équipe de Damien Ernst ne s’est cependant pas contentée d’être utilisatrice de systèmes d’intelligence, elle a réussi des contributions marquantes dans le domaine parce que les problèmes réels de réseaux électriques qu’il fallait résoudre ont été une source d’idées et un terrain d’expérimentation formidables pour développer de nouvelles IA. Des algorithmes et des modules d’IA développés par les chercheurs liégeois sont ainsi devenus des standards internationaux.
Algorithmes
« L’IA, explique Damien Ernst, nous en avons une vision algorithmique ; ce sont des algorithmes, des softwares qui traitent des informations pour en extraire des décisions intelligentes. L’IA se rencontre de plus en plus dans des produits commerciaux : le moteur de recherche Google, des outils de traduction automatique de textes peuvent être vus comme des systèmes d’intelligence artificielle. L’objectif ultime de la recherche dans ce domaine est de créer de vraies entités intelligentes et autonomes qui dépasseraient de loin toutes les facultés cognitives d’un être humain. » Le ton est donné… mais on est loin des jeux vidéos.
L’intrusion de ceux-ci dans les recherches liégeoises est peut-être d’abord le résultat d’une passion, celle de Firas Safadi, jeune doctorant au sein du laboratoire… et gamer accompli ! Mais c’est sans doute aussi une question de culture et de développements industriels potentiels (le marché mondial était d’environ 70 milliards d’euros l’an dernier, première industrie culturelle au monde, devançant la musique et le cinéma). C’est enfin, et surtout, pour une raison technologique : « il y a un souci que tout le monde remarque, explique Firas Safadi : la qualité de l’IA dans les jeux vidéos n’est pas suffisante. L’IA, c’est par exemple l’opposant contre lequel on joue. Mais il y a aussi des applications plus simples qui ont pour but d’animer des entités dans des jeux : par exemple, un chien avec lequel on interagit. Cette interaction doit au moins donner au joueur l’impression que cette entité est intelligente à défaut de l’être réellement. »
(1) Artificial Intellignce in Video Games : Towards a Unified Framework ; Firas Safadi, Raphael Fonteneau , Damien Ernst ; International Journal of Computer Games Technology, 2015.