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Chasse aux pucerons, une histoire de sexe
06/03/2015

Pas de sexe sans pucerons

Ce moyen de manipulation, Bérénice Fassotte l’a développé en identifiant la phéromone sexuelle émise par les femelles. « Tout le cycle de reproduction de la coccinelle est basé sur la présence de pucerons. Comme nous savons que les insectes communiquent souvent à l’aide de phéromones, nous avons eu l’idée de prélever les odeurs émises par les coccinelles en présence ou non de pucerons pour voir ce que ça allait donner. »

Des coccinelles ont donc été séparées selon le sexe dès leur émergence du stade nymphal. Pendant les premiers jours, elles recevaient un régime de substitution à base de pollen et de sucre. A partir du sixième jour, elles étaient nourries de pucerons. « Tout au long de l’expérience, nous prélevions les odeurs émises par les coccinelles dans des cuves en verre. Dans le vivarium des femelles, nous avons mis en évidence l’émission de nouveaux composés trois jours après l’introduction des pucerons. Cette émission allait croissante jusqu’au quatorzième jour, avant de stagner et de décroître aux alentours du quinzième jour (voir figure ci-dessous). Ce qui ne signifie pas que les femelles n’émettaient rien avant le neuvième jour. En tout cas, nos analyses n’ont pas permis de détecter et de quantifier les composés émis avant le neuvième jour. Les mâles, eux, ne produisaient aucune de ces molécules. »

L’odeur résultait du mélange de plusieurs molécules qu’il fallait pouvoir distinguer et identifier. L’opération a été menée en deux temps. Une étape de chromatographie en phase gazeuse a permis de séparer les différentes composantes et de mesurer leur proportion, de les quantifier. Ensuite, la spectrométrie de masse a permis d’identifier les différentes molécules du bouquet phéromonal.

chromatographie coccinelles

« Il nous fallait ensuite tester l’influence qu’avait cette phéromone sur le comportement des autres coccinelles, poursuit la doctorante. Alors que les femelles ne répondent pas à l’odeur, les mâles, quant à eux, étaient fortement attirés. Nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il s’agissait d’une phéromone sexuelle, et pas simplement d’agrégation. Ce sont des phéromones produites par un sexe pour attirer le sexe opposé dans un but de reproduction. » Des molécules qui ne sont émises qu’une fois la table dressée. Ce qui augure de nouvelles questions. Les chercheurs savent que le puceron est un élément clé de la maturation sexuelle chez la coccinelle femelle, et qu’elle ne pond qu’en sa présence. « C’est une forme d’adaptation, relève François Verheggen. Pourquoi la femelle s’épuiserait et perdrait son temps à donner naissance à une progéniture qui n’a rien à se mettre sous la dent ? Mais nous n’avons pas identifié ce qui informe la coccinelle sur la présence suffisante des pucerons. Est-elle capable d’évaluer la quantité de pucerons, d’adapter sa ponte, etc ? »

Toujours est-il que l’équipe de chercheurs est la première à mettre en évidence le rôle de cette phéromone sexuelle dans la reproduction des coccinelles. Personne ne savait alors qu’elles étaient capables d’émettre des phéromones volatiles, qui pouvaient susciter des réactions à distance. « C’est d’ailleurs assez surprenant que nous soyons les premiers, s’étonne l’entomologiste. La coccinelle est un insecte très étudié, et un bon prédateur, qui a un large potentiel de protection des cultures. »

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