Les eaux turquoises des récifs coralliens regorgent d’espèces abritant toujours de nombreux secrets. C’est le cas des Onuxodon, des petits poissons qui vivent à l’intérieur des valves des huîtres perlières. Un abri peu habituel et discret qui rend difficile toute étude comportementale. Pourtant, de récentes recherches menées à l’Université de Liège ont permis d’établir qu’ils émettaient des sons de la tombée de la nuit au petit matin. Une activité nocturne qui complique les observations, mais qui mène les scientifiques à lui supposer une fonction d’appel de partenaires lors des cycles de reproduction. Une particularité aussi commode que surprenante semble être le rôle de caisse de résonance, ou d’amplificateur, que jouent les coquilles d’huîtres.
Il n’est pas nécessaire, pour déceler les mystères du monde sous-marin, de plonger dans les abysses oubliés du reste du monde. Eric Parmentier et Loïc Kéver, du Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Evolutive à l’Université de Liège, se sont par exemple arrêtés aux récifs coralliens de la Polynésie française. Des eaux tropicales partagées par bon nombre d’espèces dont certaines, timides, restent très discrètes. C’est le cas des Onuxodon qui appartiennent à un groupe de poissons plus connus sous le nom de pearlfish (poisson perlier). « On leur aurait donné ce nom parce que certains restes de poissons morts ont été trouvés sur les valves de la coquille, complètement entourés de nacre, raconte Loïc Kéver. Mais toutes les espèces de ce groupe ne vivent pas dans les huîtres. D’autres espèces de la famille des Carapidae sont aussi capables de pénétrer et séjourner au sein d’hôtes échinodermes comme des holothuries (concombres de mer, Ndlr) ou des étoiles de mer. D’autres encore ont un mode de vie libre et ne dépendent pas d’un hôte. »
Au-delà de ce comportement particulier, on sait que certaines espèces de Carapidae quittent leur refuge la nuit pour se nourrir tandis que d’autres ont un comportement parasitaire et consomment les gonades (organes sexuels) de leur hôte. Dans le cas des Onuxodon, la question de leur alimentation, comme beaucoup d’autres, reste encore sans réponse. Les Onuxodon semblent capables de se nourrir de petits vers (annélides) et de petits crustacés. Si les proies sont trouvées à l’intérieur de l’huître, le comportement serait de type mutualiste (le poisson nettoie l’hôte, le bivalve protège le poisson). Il ne peut cependant être exclu que le poisson puisse aussi se nourrir des tissus de l’hôte, auquel cas il s’agirait de parasitisme. Enfin, si le poisson chasse ses proies à l’extérieur de l’hôte, c’est du commensalisme (l’huître protège le poisson mais ne tire pas de ce dernier un bénéfice en retour). Une étude en cours devrait permettre d’y voir plus clair, en comparant les isotopes de carbone et d’azote des poissons et des huîtres. Mais dans l’étude présente(1), les deux scientifiques se sont attardés sur une autre caractéristique de ce frêle poisson : sa capacité à produire des sons.
Une longue recherche sous-marine
Eric Parmentier avait eu l’occasion d’étudier la morphologie des Onuxodon et de conclure que ces poissons devaient être capables de produire des sons. Cette idée fut en plus renforcée par l’enregistrement des espèces trouvées dans les concombres de mers. En marge de plusieurs missions consacrées à d’autres recherches en Polynésie française, il a cherché ces poissons dans leur espace naturel, rentrant bredouille pendant plusieurs années. « Un jour, se souvient Loïc Kéver, le responsable de plongée d’une station qu’Eric Parmentier connaît bien est parti en mission dans les atolls de l’archipel des Tuamotu. Au cours d’une plongée dans le lagon de l’atoll de Makemo, il a récolté plusieurs huîtres perlières. En les ouvrant, il a découvert des Onuxodon et nous les a envoyés. Nous les avons étudiés et identifiés, et nous sommes partis en mission au cours des mois de novembre et décembre 2011. »
(1) Loïc Kéver, Orphal Colleye, Marco Lugli, David Lecchini, Franck Lerouvreur, Anthony Herrel, Eric Parmentier, Sound production in Onuxodon fowleri (Carapidae) and its amplification by the host shell, The Company of Biologists, 2014