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Maladie d'Alzheimer : réalité ou construction factice ?
20/02/2015

Le combat de toute une vie

De même, selon plusieurs études longitudinales, un niveau scolaire élevé aurait un effet protecteur. Pourquoi ? Première hypothèse : parce qu'il est associé à un statut socioéconomique plus avantageux et à un style de vie plus sain, avec peut-être, de surcroît, une exposition moindre aux toxines environnementales. Seconde hypothèse : celle de la « réserve cognitive ». Comme l'écrivent Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat, cette hypothèse « postule que les personnes plus scolarisées pourraient compenser leurs atteintes neuropathologiques ». Il existe néanmoins des données contradictoires en la matière.

En 2011, l'American Journal of Epidemiology a publié un article relatant une recherche menée par le groupe d'Adina Zeki Al Hazzouri(4), de l'Université de Miami, auprès de 1 789 individus âgés de 60 à 101 ans au début de l'étude. On y apprenait que le risque de démence ou de troubles cognitifs sans démence était inférieur de 51% chez les personnes qui possédaient un haut niveau de scolarité et avaient bénéficié d'un statut socioéconomique élevé tout au long de leur vie ou, du moins, avaient gravi des échelons de la hiérarchie sociale, par rapport à celles qui n'avaient jamais pu se départir d'un faible niveau socioéconomique.

D'après différents travaux, les activités stimulantes sur le plan intellectuel freinent le vieillissement de nos facultés mentales. Probablement faut-il y voir la main de la « réserve cognitive » ainsi amenée à s'étoffer. Mais, attention, ne tombons pas dans la caricature ! S'il est utile d'avoir des hobbies, de se livrer à des activités telles que la lecture ou la musique, d'être actif au sein d'organisations (associations, mouvements divers...), dans la sphère socioculturelle (aller au théâtre, au cinéma, etc.) ou encore dans le domaine social (être en interaction avec des amis ou des proches...), aucune étude n'a jamais prouvé l'efficacité des « brain games » et autres recettes miracles. « De nombreux spécialistes du vieillissement ont récemment écrit une lettre ouverte contre la récupération de la stimulation cognitive en vue d'intérêts mercantiles », rapporte le professeur Van der Linden.

La liste des facteurs de risque connus pour conditionner le vieillissement cérébral et cognitif est encore longue. Aux éléments déjà évoqués s'en ajoutent bien d'autres, dont le stress et la détresse psychologique, l'absence de buts dans la vie, une mauvaise insertion sociale ou un sentiment de solitude, les traumatismes crâniens, la prise de benzodiazépines, les problèmes de sommeil... Cet ensemble ne prétend pourtant pas à l'exhaustivité. Il faut encore y greffer, entre autres, tout ce qui est en lien avec le risque de problèmes vasculaires - diabète de type 2, tabagisme, hypertension, etc. De sorte que la prévention du vieillissement cérébral et cognitif s'apparente à un combat permanent.

Troubles cognitifs admis

En dénonçant l'approche biomédicale classique, Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat s'insurgent du même coup contre une de ses conséquences : la stigmatisation du vieillissement. Nourrie de stéréotypes présentant une vision apocalyptique de la vieillesse et de ses troubles, elle est elle-même, comme l'ont mis en lumière plusieurs études, un facteur de risque de détérioration des performances cognitives pour ceux qui y sont confrontés, mais aussi, dans le cas de l'annonce d'un diagnostic de démence, la cause d'une immense détresse psychologique pour la personne qui en est la cible et pour ses proches, le moteur d'un isolement social, d'une perte de dignité et d'une détérioration de la qualité de vie.

Dans ce contexte, Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat plaident pour une société « troubles cognitifs admis » faisant la part belle à des projets intergénérationnels. Dans les structures d'hébergement à long terme, les personnes âgées n'ont aucun sentiment de contrôle sur leur existence, sont sans but ni projet et désinsérées de la société. Cela fait le lit de la dégradation de leur état. La culture de ces « hôtels médicalisés », comme les qualifie Martial Van der Linden, devrait être revue de fond en comble. Traitement alzheimer« De telles structures sont essentiellement focalisées sur une prise en charge médicale, fait remarquer le neuropsychologue. D'après une étude belge, les résidents y prennent en moyenne 8,4 médicaments par jour, dont souvent des antidépresseurs, des neuroleptiques et des benzodiazépines. D'autre part, les troubles du comportement y font encore trop souvent l'objet d'une pathologisation, alors que dans bien des cas, ils constituent une réaction au fait que ces institutions ne sont pas centrées sur le bien-être du résident, qu'il n'a pas voix au chapitre et qu'il n'est pas considéré dans son individualité. »

(4) Al Hazzouri, A.Z. et al. (2011). Life-course socioeconomic position and incidence of dementia and cognitive impairment without dementia in older Mexican Americans: Results from the Sacramento Area Latino Study on Aging. American Journal of Epidemiology, 173, 1148-1158.

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