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Maladie d'Alzheimer : réalité ou construction factice ?
20/02/2015

activite alzheimerUn autre élément significatif est que le cerveau de personnes jugées normales sur le plan cognitif recèle des signes neuropathologiques perçus comme caractéristiques de démences. « Plus les individus avancent en âge, plus leur cerveau est affecté par de tels signes, précise Martial Van der Linden. Au-delà de 85 ans, on dénombre à peu près le même nombre de plaques amyloïdes dans le cerveau des personnes démentes que dans celui des personnes qui ne le sont pas. » D'autre part, des chercheurs suédois ont montré que les régions cérébrales atteintes dans le vieillissement dit normal sont les mêmes que celles qui sont touchées dans les démences.

Changer de logique

Par ailleurs, Martial Van der Linden fait remarquer que le cerveau de la grande majorité des personnes qui ont reçu le diagnostic d'Alzheimer témoigne d'atteintes vasculaires de divers types. Aussi certains auteurs émettent-ils l'hypothèse que la cascade amyloïde ou la phosphorylation de la protéine tau (dégénérescences neurofibrillaires) ne seraient pas les facteurs causaux de la maladie d'Alzheimer, mais un mécanisme adaptatif ou une réponse protectrice du cerveau face aux atteintes que divers mécanismes y auraient engendrées. « Dès lors, ne peut-on craindre que chercher à éliminer les plaques amyloïdes ou les dégénérescences neurofibrillaires fasse courir le risque d'une accélération du processus neurodégénératif », souligne Martial Van der Linden.

Même si des essais cliniques ont été initiés, de tels médicaments à vocation curative (ou à l'effet délétère) ne sont toujours pas disponibles en clinique humaine. Quoi de plus logique ! s'exclameraient les opposants à l'approche biomédicale du vieillissement cérébral et cognitif. Quant aux médicaments symptomatiques - les inhibiteurs de la cholinestérase et la mémantine -, ils n'ont pas d'efficacité réelle sur l'autonomie et la qualité de vie des personnes avec diagnostic d'Alzheimer et n'améliorent pas le fonctionnement cognitif des individus ayant reçu un diagnostic de Mild Cognitive Impairment.

Pour toutes ces raisons, Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat sont de ceux, toujours plus nombreux, à penser qu'il faut réintégrer les manifestations bénignes ou problématiques du vieillissement cérébral et cognitif dans le contexte plus général de l'avancée en âge. À leurs yeux, il convient alors de sortir d'une logique d'intervention centrée sur l'éradication d'un processus pathogène spécifique de chaque « maladie » (démence) appréhendée comme une maladie singulière pour raisonner en termes de facteurs de risque et de prévention. « Néanmoins, le vieillissement cérébral est inéluctable et la prévention ne pourra avoir d'autre effet que de retarder l'installation des troubles ou d'en diminuer l'importance», insiste notre interlocuteur.

Les auteurs de Penser autrement le vieillissement ne contestent pas l'intérêt de la recherche en neurobiologie, mais une recherche qui assume toute la complexité des phénomènes. De multiples facteurs de risque susceptibles de se manifester aux différents âges de la vie devraient être pris en compte dans une logique où, « à l'âge avancé, la fragilité des cellules cérébrales fait qu'elles sont vulnérables à toutes sortes d'influences négatives. »

Quelles influences ? Outre une éventuelle vulnérabilité génétique, des facteurs très divers ont été mis en évidence par des études récentes. Leur nature laisse augurer la possibilité d'actions préventives. Par exemple, si plusieurs recherches, dont celles d'Aron Buchman(3) et de son équipe de la Rush University de Chicago, ont montré qu'un bas niveau d'activité physique augmentait le risque de recevoir un diagnostic de maladie d'Alzheimer, de nombreux travaux ont souligné l'effet bénéfique de l'activité physique sur le fonctionnement cognitif.

(3) Buchman, A.S. et al. (2012). Total daily physical activity and the risk of AD and cognitive decline in older adults. Neurology, 78, 1323-1329.

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