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Maladie d'Alzheimer : réalité ou construction factice ?
20/02/2015

Dans les années 1980 se sont mises en place des « consultations mémoire », aujourd'hui très répandues. Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat y voient le bras armé de l'approche qu'ils condamnent. Pourquoi ? Initialement, ces consultations auraient servi à recruter des patients en vue d'une participation à des essais pharmacologiques destinés à tester les premiers médicaments censés lutter contre la maladie d'Alzheimer. « La deuxième étape consista à prescrire les médicaments en dépit du fait qu'ils n'avaient (et n'ont toujours) aucune efficacité démontrée, indique Martial Van der Linden. Puis, troisième étape, fut créé le concept de "trouble cognitif léger" (en anglais, Mild Cognitive Impairment – MCI) afin d'élargir le champ des troubles pour y inclure des personnes souffrant de problèmes cognitifs (notamment mnésiques) légers. ».

Auparavant, ces déficits mineurs étaient attribués à l'avancée en âge. Désormais, ils devenaient des signes potentiellement annonciateurs d'une évolution péjorative vers la maladie d'Alzheimer. « Or, quelle est la réalité ? dit Martial Van der Linden. La grande majorité des personnes qui consultent et réalisent une faible performance à un test de mémoire verront leurs capacités mnésiques rester stables ou s'améliorer. Seule une minorité dérivera vers de graves problèmes cognitifs. »

Selon les auteurs de Penser autrement le vieillissement, une quatrième étape aurait été franchie récemment : la recherche de la maladie d'Alzheimer en dehors de tout symptôme. En clair, des ponctions lombaires ou des examens faisant appel à la tomographie par émission de positons sont pratiqués pour détecter la présence éventuelle de dépôts amyloïdes, lesquels sont considérés comme l'une des deux signatures histologiques de la maladie d'Alzheimer. Se glissant dans les pas de Peter Whitehouse et Daniel George, Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat pointent du doigt l'industrie pharmaceutique, qui mettrait tout en œuvre pour présenter la maladie d'Alzheimer « comme une "épidémie" contre laquelle il faut se battre et qu'il convient de vaincre (guérir) à tout prix ». Si ce n'est que les médicaments proposés à ce jour, purement symptomatiques, sont, selon eux, d'une efficacité plus que discutable.

Des signes non spécifiques

Cet échec thérapeutique ne peut étonner les tenants du courant contestataire, puisque, pour eux, espérer trouver un médicament qui guérira la maladie d'Alzheimer relève de l'utopie. Et pour cause ! Cette affection n'aurait pas d'origine spécifique, mais devrait être réintégrée dans le cadre du vieillissement général dont les soubassements sont, au contraire, multifactoriels. « Il faut en finir avec le mythe de l'immortalité, commente le professeur Van der Linden. Le vieillissement cérébral fait partie de l'aventure humaine et les raisons pour lesquelles certains individus vieillissent plus mal ou plus vite que d'autres dépendent d'une nuée de facteurs et mécanismes intervenant tout au long de la vie. »

Sur quels arguments Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat se fondent-ils pour avancer que l'état étiqueté comme maladie d'Alzheimer n'est pas une entité homogène qui se différencierait du vieillissement normal, mais plutôt le reflet d'une exacerbation de ce dernier ? Tout d'abord, se référant à de récentes études, ils affirment qu'il n'existe pas de symptômes cognitifs spécifiques de la maladie d'Alzheimer. En effet, les experts mandatés par l'Association Alzheimer et les National Institutes of Health pour revisiter les critères de l'affection, ou prétendue telle, concluent à une diversité d'expression sur le plan cognitif. En clair, outre des déficits (parfois très discrets) au niveau de la mémoire, pilier traditionnel du diagnostic, les personnes concernées peuvent présenter une grande variété de difficultés cognitives (langage, attention, perception de l'espace...) et voir leurs troubles évoluer de façon très différente selon les cas, quelquefois même vers la stabilisation ou l'amélioration (y compris sur le plan cérébral), indépendamment de la prise de médicaments « anti-Alzheimer ».

Activite mentaleDeuxième argument : l'absence de marqueurs biologiques strictement associés à la maladie d'Alzheimer. Les deux signatures histologiques censées la caractériser (plaques amyloïdes, dégénérescences neurofibrillaires) ne lui sont pas propres. On en retrouve également la trace dans les tableaux communément considérés comme révélateurs de la démence fronto-temporale ou de la maladie à corps de Lewy, par exemple, tandis que divers types d'anomalies relevées dans ces entités hypothétiques sont présentes dans le cerveau des personnes ayant reçu un diagnostic de maladie d'Alzheimer.

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