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Maladie d'Alzheimer : réalité ou construction factice ?
20/02/2015

La maladie d'Alzheimer n'aurait-elle pas de réalité propre ? Ne se différencierait-elle pas du vieillissement cérébral et cognitif normal, dont elle ne serait qu'une expression exacerbée ? Voilà assurément un changement de perspective qui heurte de front la position biomédicale dominante. C'est pourtant celle qu'assument le professeur Martial Van der Linden de l’Université de Liège et Anne-Claude Juillerat  dans un ouvrage intitulé Penser autrement le vieillissement. Une affirmation basée sur la prise en compte de quelque 300 études scientifiques.

COVER Vieillir autrementEn 2008, Peter Whitehouse, de la Case Western University de Cleveland et Daniel Georges, de l'Université Penn State, lançaient un pavé dans la mare en publiant un livre intitulé The myth of Alzheimer's (Le mythe de la maladie d'Alzheimer). Un ouvrage militant qui ne nie pas l'existence de troubles cognitifs parfois gravissimes chez la personne âgée, mais défend l'idée que la maladie d'Alzheimer n'est pas une entité spécifique. Au contraire, elle prendrait place sur un continuum où cohabiteraient une multitude d'expressions du vieillissement cérébral et cognitif modelées par une myriade de facteurs dont la nature serait tantôt génétique, tantôt médicale, tantôt psychologique, tantôt environnementale.

L'approche biomédicale dominante tente de décrire les aspects problématiques du vieillissement cérébral et cognitif en termes de maladies distinctes - Alzheimer, démence fronto-temporale, maladie à corps de Lewy, etc. L'ouvrage de Whitehouse et Georges réfute donc cette conception. Toutefois, il pèche par une argumentation scientifique assez pauvre.

Un an après sa parution, Martial Van der Linden, responsable des unités de psychopathologie et neuropsychologie cognitive des Universités de Liège et de Genève, et Anne-Claude Juillerat Van der Linden, neuropsychologue clinicienne et chargée de cours à l'Université de Genève, avaient traduit en français l'ouvrage de leurs confrères américains(1). S'ils adhéraient aux thèses de ce livre en raison de nombreux constats empiriques remettant en cause le bien-fondé de la position biomédicale classique, ils avaient également perçu les faiblesses de l'ouvrage. Aussi réalisèrent-ils par la suite un important travail de suivi de la littérature dans le but de mettre en exergue de façon scientifiquement argumentée les incohérences de l'approche biomédicale dominante.

C'est à quelque 300 études scientifiques, dont certaines très récentes, que se sont référés Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat pour rédiger Penser autrement le vieillissement(2), essai dans lequel ils donnent un souffle nouveau aux idées de Whitehouse et Georges en les développant et les affinant. Les auteurs rappellent que la médicalisation du vieillissement cérébral et cognitif a éclos dans les années 1970, avant de s'amplifier progressivement. Ils évoquent notamment des raisons culturelles et mercantiles. Devant l'augmentation de l'espérance de vie et les problèmes fonctionnels et cognitifs qui y sont liés, Robert Butler, directeur du National Institute on Aging, aux États-Unis, avait indiqué qu'il faudrait d'importants moyens pour appréhender ces questions. Comme le rapporte Martial Van der Linden, il avait déclaré : « J'ai décidé que nous devions faire de la maladie d'Alzheimer un nom connu de tous. Et la raison en est que c'est ainsi que le problème sera identifié comme une priorité nationale. C'est ce que j'appelle la politique sanitaire de l'angoisse. »

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S'est ainsi développée une approche focalisée sur la nécessité de trouver la cause de chaque démence, en particulier la maladie d'Alzheimer, et les médicaments pour y répondre. Vœu pieux et porteur de nombreuses conséquences néfastes, considère le courant contestataire amorcé par Whitehouse et Georges. En effet, selon cette vision nouvelle, un grand nombre de modifications cérébrales et de difficultés cognitives observées chez les personnes ayant reçu le diagnostic de maladie d'Alzheimer sont de même nature que celles rencontrées dans le vieillissement normal. La différence ? Elles sont simplement plus importantes.

(1) Le mythe de la maladie d'Alzheimer, par Peter Whitehouse et Daniel George, traduit et préfacé par Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat Van der Linden, Solal, 2009.
(2) Martial Van der Linden et Anne-Claude Juillerat Van der Linden, Penser autrement le vieillissement, Mardaga, 2014.

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