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Quand des trous noirs supermassifs s’alignent
04/02/2015

La polarisation de la lumière révélatrice d’un alignement

L’orientation de l'axe du disque d’accrétion peut être déterminé grâce à l’observation et à l’analyse de la polarisation de la lumière. Habituellement, la lumière n’est pas polarisée. C’est une onde transversale, qui vibre et qui est diffusée de manière homogène depuis sa source dans toutes les directions, sur tous les plans de vibration. La lumière est polarisée lorsque l'oscillation de l'onde s'effectue préférentiellement dans une direction. « Dans la vie courante, illustre Damien Hutsemékers, la réflexion de la lumière dans une flaque d’eau, sur un pare-brise ou sur un miroir sont des phénomènes polarisants. Pour le cas des quasars, c’est un peu la même chose. On a une source lumineuse a priori non polarisée, qui va être réfléchie par des particules, comme des électrons ou de la poussière. Cette réflexion va induire une polarisation. » « L’angle de polarisation, précise Vincent Pelgrims, indique la direction dans laquelle il y a une composante plus forte au niveau du champ électrique des photons qui nous proviennent, On a une direction et donc un axe qui est lié à celui du disque d'accrétion »

Sur les 93 quasars observés, 19 candidats émettaient une lumière suffisamment polarisée pour être étudiés. « Avec Vincent et Dominique, poursuit Damien Hutsemékers, nous avons regardé comment les angles de polarisation s’organisaient sur la structure. Dans un premier temps, nous avons observé qu’ils étaient alignés entre eux. Malgré le fait qu’ils sont séparés de milliards d’années-lumière. Nous sommes ensuite allés plus loin, et nous avons remarqué qu’ils tendaient également à être alignés avec l’axe du filament dans lequel ils se trouvent. C’était surprenant, même si on s’y attendait, d’une certaine manière. C’était ce qu’on essayait d’observer. »

Les prévisions du modèle standard semblent donc dépassées. « L’information sur la polarisation vient renforcer l’idée que nous sommes en présence d’une structure unique à ce jour dont les membres subissent un phénomène d’alignement, résument les chercheurs. C’est peut-être la preuve qu’il manque un ingrédient dans nos modèles actuels. » Toutefois, la nature d'alignements à de telles échelles n’est pas forcément évidente à comprendre. « Le cœur d’un quasar est tout de même constitué d’un trou noir supermassif, qui peut atteindre plusieurs milliards de fois la masse du Soleil. Il n’est pas établi que de tels objets se comportent comme des galaxies moins massives.  C’est malgré tout une bonne première piste à creuser. Nous pouvons légitimement suspecter, en extrapolant ce qu’on connaît pour les galaxies, que le même mécanisme peut agir pour les quasars. L’hypothèse doit être testée d'une part au moyen de la théorie, en vérifiant que ce qui explique les alignements à de plus petites échelles peut englober des structures aussi étendues, et d'autre part être confirmée par de nouvelles observations. »

Vers d’autres groupes de quasars

CTrou-noir-supermassifette toile de quasars défie aujourd’hui les astrophysiciens. Selon la théorie, l’Univers en expansion n’aurait pas pu avoir le temps de former une structure aussi grande. « Il y a là un aspect assez intrigant, relèvent les chercheurs. Trouver une telle structure d’un gigaparsec, ce peut être une fluctuation statistique. Mais si nous commençons à en trouver d’autres, on devra revoir le modèle, et faire intervenir de nouveaux facteurs. D’un autre côté, il faut voir si nous ne sommes pas en présence d’une structure mal définie. Nous devons caractériser ces alignements pour vérifier qu’ils ont bien du sens. Tous ces travaux sur les quasars sont très récents, il y a encore beaucoup à faire. Nous sommes des observateurs davantage que des théoriciens, mais il faut se pencher plus longuement sur la question.  A plus court terme, nous avons à nouveau demandé du temps d’observation au VLT. Nous allons regarder d’autres amas de quasars, voir si on retrouve le même comportement, et renforcer nos observations. » 

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