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Quand des trous noirs supermassifs s’alignent
04/02/2015

La prédiction de structures dans notre modèle cosmologique

Dans la théorie, les modèles numériques prédisent l’existence de toiles cosmiques, de structures entre différents objets du cosmos. Ces structures résultent du fait que l’Univers, à petite échelle, n’est pas homogène. Les objets ne sont pas disposés uniformément dans l’espace. Au cours de milliards d’années, ils se sont regroupés et ont formé des surdensités par rapport à la distribution de matière dans l’Univers. A grande échelle, la structure de l’Univers se présente comme une toile composée de filaments reliés entre eux. Ces filaments délimitent des « bulles » vides, du moins où la densité en galaxies et amas de galaxies est bien moindre que sur les filaments. Jusqu’à une certaine échelle, les observations rencontrent et alimentent cette théorie. « Nos modèles se limitent là, explique Vincent Pelgrims, doctorant à l’AGO et coauteur de la publication. Ils prédisent que différentes galaxies peuvent s’organiser en filaments, qui ressembleraient un peu à une connexion neuronale, en beaucoup plus grand évidemment. » « Ces toiles cosmiques dépendent de la force gravitationnelle, poursuit Dominique Sluse, chercheur à l’Argelander Institut d’Astronomie de Bonn et à l’Université de Liège, et coauteur de la publication. Les modèles montrent que sous l’influence de la gravité, les moments angulaires, donc les axes de rotation des galaxies, sont liés à l'orientation de la structure à laquelle elles appartiennent . »

Selon le modèle standard, on peut prédire des structures d’une taille maximale de 350 mégaparsec, un parsec étant une unité de mesure correspondant à 3,26 années-lumière. « Au niveau des structures de galaxies, qui avoisinent les 100 mégaparsec, et aux échelles plus petites et plus proches de nous, l’Univers est clairement inhomogène, explique Damien Hutsemékers. Mais à une plus grande échelle, on estime qu’il doit être homogène. Car d’après les calculs, l’Univers n’aurait pas pu avoir le temps de former des structures aussi grandes. Pour résumer, selon le modèle standard, il ne pourrait pas exister une structure plus grande que 350 mégaparsec. »

Alignements-trous-noirsSuspicion d’existence d’une structure de quasars

C’est dans ce contexte que le choix d’observer ces 93 quasars devient intéressant. Leur nombre élevé dans une même région du ciel avait éveillé des soupçons. « La récente découverte de ce groupe était déjà surprenante, relate Dominique Sluse. Remarquer cette surdensité de quasars était une première étape, qui permettait d’avancer qu’il s’agissait probablement d’une structure de plus d’un gigaparsec, donc de plus de 3,26 milliards d’années-lumière, à un moment où l’Univers n’a que 5 milliards d’années. C’est dix fois plus que les plus grandes structures observées habituellement, et trois fois plus que les limites prévisionnelles du modèle standard. Mais était-ce le fruit du hasard ou pas ? Etait-ce réellement une seule structure singulière, ou y avait-il autre chose qui nous échappait ? Il était difficile de le déterminer. »  

C’est pour en avoir le cœur net qu’il fallait y accorder un peu plus d’attention. Et c’est dans l’émission de la lumière du disque d’accrétion que se trouvait la réponse. Pour rappel, les quasars sont trop éloignés pour que leur structure interne puisse être observée directement. Seule la lumière qu'ils émettent peut être étudiée. Un autre point important à rappeler est que l'orientation de l’axe de rotation d’un objet de l’Univers sans l’influence d’une autre force gravitationnelle est purement aléatoire. L’alignement d’axes de rotation de différents objets a donc statistiquement très peu de chances d’être fortuit, et serait plutôt un bon indice de leur appartenance à une même structure. En parvenant à déterminer l’orientation de l'axe des disques d’accrétion des quasars observés, il devient dès lors possible de vérifier si leur axe de rotation est aligné ou non. Dans l’affirmative, l’hypothèse de la présence d’une structure est renforcée.

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