Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège
Quelle réforme fiscale pour la Belgique en 2015 ?

Isabelle Richelle CB

 

 

 

Une carte blanche du Prof. Dr. Isabelle Richelle, Docteur en Droit, Co-Présidente du Tax Institute de l’Université de Liège, Avocat au Barreau de Bruxelles, publiée dans le journal La Libre Entreprise du 24 novembre 2014.

Le Palais des Académies de Bruxelles a accueilli, ce 6 novembre, la 1ère journée belge des Professeurs de droit fiscal.  Les professeurs de toutes les Universités du pays enseignant le droit fiscal se sont ainsi réunis pour débattre du thème: « Quelle réforme fiscale pour la Belgique en 2015 ? ».

Voilà quelques années déjà que le débat s’est engagé sur le besoin d’une réforme en profondeur de notre système fiscal. Ce dernier demi-siècle est essentiellement caractérisées par l’adoption du Code des impôts sur les revenus, en 1962 - traduisant le passage d’un impôt cédulaire à une imposition du revenu global de la famille -, le passage au précompte mobilier libératoire,  l’adoption de l’imposition séparée des conjoints, en 1988, l’introduction de la TVA – sur laquelle notre pays a peu de prise en raison des compétences européennes -. Chaque année voit son lot de lois fiscales amendant peu ou prou une législation qui, au fil du temps, s’est considérablement complexifiée.

A l’aube d’une nouvelle législature, de nouveaux défis doivent être relevés. Il convient de mettre en œuvre la Sixième Réforme de l’Etat : de nouvelles compétences sont attribuées aux Régions, générant de nouveaux besoins de financement. Le contexte international impose de nouvelles contraintes : lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, lutte contre la planification fiscale agressive, projet « BEPS[1] »…

Aujourd’hui, l’on peut dire que notre système fiscal est vieilli : s’il s’est considérablement complexifié, par l’introduction de nombreuses « niches fiscales », il apparaît désormais comme source d’injustice : on pointe notamment la trop lourde taxation du revenu du travail, par rapport au revenu du capital, le régime des plus-values sur le patrimoine privé (en principe non taxables), la taxation des revenus immobiliers basée sur un revenu cadastral inadapté. Plus largement, notre système fiscal est en interaction avec les systèmes fiscaux des autres pays, et se pose la question de l’attractivité internationale de la Belgique.

Les problèmes que nous rencontrons ne nous sont pas spécifiques. Au cours de ces dernières années, plusieurs de nos voisins ont entamé une même réflexion débouchant, parfois déjà sur des réformes en profondeur de leurs législations, qui peuvent être source d’inspiration, de réflexion.

Les organisateurs[2] ont choisi d’articuler les travaux autour de trois thèmes : la fiscalité des personnes physiques avec la question essentielle d’un rééquilibrage de la taxation des revenus du travail, par rapport à la taxation des autres revenus ; la fiscalité des entreprises, la fiscalité du patrimoine. Un quatrième panel est venu clôturer la journée ajoutant une vision comparatiste et internationale.

Il ne peut être question, dans l’espace de ces quelques lignes, de synthétiser l’ensemble des débats d’une journée passionnante (et l’assistance nombreuse ne s’y est pas trompée)[3].  

L’on peut cependant tenter de dégager quelques lignes de force, et d’émettre quelques suggestions.

Un système fiscal équilibré et cohérent suppose que soient clarifiées certaines options fondamentales : conception du revenu imposable (actuellement, le revenu visé à l’impôt des personnes physiques est le revenu au sens civil du terme, ce qui exclut en principe la taxation des plus-values), choix d’un système de taxation globale ou cédulaire, choix d’un système de taxation de la famille….

 

 

Fiscalite

A l’impôt des sociétés, le débat est essentiellement celui d’un taux d’imposition relativement élevé, compensé par diverses déductions : ne faudrait-il pas éliminer certaines déductions de sorte à élargir la base imposable, ce qui permettrait de réduire le taux d’imposition ? D’autres questions se posent, notamment celle de la taxation des petites entreprises par rapport aux « grandes » entreprises : certains proposent d’introduire un système d’imposition différencié dans lequel les PMEs bénéficieraient d’un taux d’imposition réduit, par exemple à 25%, mais ne bénéficieraient plus des intérêts notionnels, de la déduction pour investissements et autres avantages spécifiques. Une proposition, plus innovante, serait de taxer les entreprises à un taux nettement réduit (en dessous de 18%) sur leurs résultats opérationnels, et de ne plus tenir compte des intérêts payés et reçus et des dividendes recueillis.

La taxation des entreprises et des entrepreneurs pose également la question de la place que l’on veut donner à la Belgique sur le plan international : le système fiscal peut-il être source d’attractivité, de qui et jusqu’où ? Ce débat complexe doit intégrer les travaux actuellement menés au plan international sur la lutte contre la fraude fiscale et une juste répartition de la base imposable.

Plus largement, toute loi – et spécialement la loi fiscale – doit pouvoir être comprise par son destinataire, en l’espèce le contribuable. Il convient donc de restaurer le souci de rédiger des textes légaux clairs et compréhensibles.

 


[1] Base Erosion and Profit Shifting : il s’agit d’une intiative de l’OCDE.

[2] Le Colloque était organisé par le Tax Institute de l’Université de Liège et la Chaire PwC de droit fiscal de l’Université Catholique de Louvain, en collaboration avec l’Université d’Anvers, le Master complémentaire en droit fiscal de l’ULB et l’Instituut voor Fiscaal Recht de la KUL.

[3] Le compte-rendu des débats fera l’objet d’une publication.


© 2007 ULi�ge