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Agritourisme : la nouvelle vache à lait des agriculteurs ?
21/11/2014

Il est par ailleurs surprenant d’observer les différences de conception de l’agritourisme chez les individus. Par exemple, la géographe mentionne la réaction inquiète – et légitime - de certaines personnes : « Ce n’est pas des vacances, ça. Je n’ai pas envie de travailler, moi, quand je suis en vacances ! ». Certes, ce genre de pratique existe ; il s’agit du woofing. Mais ce n’est pas considéré comme de l’agritourisme. D’autres voyageurs, quant à eux, perçoivent l’agritourisme comme un contact avec les animaux et une découverte des machines agricoles.  Ceux qui ont déjà vécu l’expérience se rendent compte qu’il n’y a pas toujours un contact avec la ferme. « Ces touristes mettent d’abord en avant le fait qu’ils vont être au calme et qu’ils ne vont pas être traités comme des numéros, à l’instar d’un séjour à l’hôtel. Ils se sentent considérés en tant que personnes », explique la jeune Liégeoise.

« Martine à la ferme », nouvelle édition

Contrairement aux idées conçues, les personnes originaires de la campagne ne connaissent pas forcément les caractéristiques liées à l’agriculture. Plus étonnant encore, les citadins se feraient une meilleure représentation de ce qu’est réellement la ferme. En 1954, Casterman publiait le célèbre « Martine à la ferme ». Le coq sur un tas de fumier, les géraniums au balcon, la basse-cour accueillante… C’est l’image traditionnelle de la ferme. Du moins, c’était. Aujourd’hui, les touristes s’attendent à être accueillis dans les mêmes conditions bucoliques, si bien qu’il existe, au sens propre comme au sens figuré, deux chemins bien distincts au sein de l’exploitation agricole(4,5). Le premier mène les touristes vers la belle cour carrée qui reflète le patrimoine et l’architecture d’antan. Le second - celui qui n’intéresse pas les touristes – constitue l’entrée des tracteurs vers la ferme en activité construite dans un grand hall un kilomètre plus loin. « En promouvant l’agriculture de Martine à la ferme, on ne valorise nullement l’agriculture moderne actuelle et les nouvelles technologies agricoles. Les gens conservent donc une image arriérée de la ferme, c’est dommage », déplore Charline Dubois.

Au-delà de ce constat regrettable, l’agritourisme demeure une solution « win-win ». D’une part, les agriculteurs audacieux se voient récompensés et peuvent alors joindre les deux bouts financièrement. D’autre part, la demande des touristes en manque de verdure est assurée, et ce à quelques kilomètres seulement de chez eux. Mais est-ce que le phénomène va perdurer dans le temps ? Rien n’est moins sûr… « Au Luxembourg, la situation actuelle est délicate. Le gouvernement souhaite que le phénomène prenne de l’ampleur. Mais il faut que les mentalités suivent… Tant chez les agriculteurs que chez les touristes », explique la chercheuse de l’ULg. En Wallonie, la tendance bat son plein pour les établissements primés (4 ou 5 épis) et/ou pour l’insolite. « Peu d’agriculteurs vont oser se lancer dans un établissement 1 épi car ils savent très bien que le touriste est roi. Ces derniers veulent être mieux que chez eux. Donc ils ne vont pas rechercher une chambre 1 épi. Pourtant, il y a quelque chose à faire dans ces établissements moins prestigieux. Ainsi que dans le camping. Car les premiers partisans du camping, ce sont les Flamands et les Hollandais. Et c’est 70% de la clientèle du tourisme wallon ».
gite agro luxe
Dès lors, de nombreux efforts doivent encore être mis en œuvre pour que l’agritourisme devienne réellement une panacée pour tous les agriculteurs qui se lancent dans l’aventure. Si la standardisation de l’agritourisme permettait d’aboutir à une meilleure reconnaissance et à une meilleure publicité, cela pourrait également devenir la pire évolution possible, dénaturant ainsi un produit qui a besoin de diversification et d’authenticité. Par ailleurs, le modèle heuristique proposé par Charline Dubois devrait permettre d’augmenter la convergence entre les attentes des différents acteurs.

(4) « Agritourisme : quand Martine a déserté la ferme... » (Magazine Culture de l’ULg)

(5) Dubois C. & S. Schmitz (2013). « What is the position of agritourism on the Walloon tourist market ? ». European Countryside, 5(4), pp. 295-307.

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