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14/11/2014

Europe et Internet

Portrait pixelsCe précis est en réalité une deuxième édition. La première avait été publiée en 1998 et faisait suite à un travail de fin d’études sur le sujet. « Cela faisait dix ans que ma maison d’édition me demandait de l’actualiser ! » C’est désormais chose faite. Par rapport au premier, cet ouvrage comporte deux développements majeurs : un examen de la jurisprudence européenne et un volet consacré à Internet.  

Malgré l’omniprésence du net et ses infinies possibilités de dérapages, la loi n’a pas connu de transformations majeures pour s’adapter à l’air du temps. Ce sont les textes d’autrefois qui servent toujours de base pour régler les problèmes actuels. Et ces textes n’ont pas attendu l’émergence du world wide web pour être rédigés. Le premier à mentionner le droit à l’image remonte à 1886 et évoquait la notion de portraits.

« C’est l’avènement de la photographie instantanée qui développera la jurisprudence en la matière. Car avant cela, pour réaliser une image, le temps de pose était long et donc le modèle devait nécessairement donner son consentement. Les problèmes vont se multiplier à partir du moment où il sera possible de prendre des photos volées », raconte l’auteur.

Le droit à l’image a pris une tournure européenne au cours des quinze dernières années, notamment suite à une série d’affaires médiatiques, comme celles opposant Caroline de Monaco à des magazines allemands. La princesse les avait attaqués à deux reprises pour avoir publié des photos prises au téléobjectif alors qu’elle était tantôt en compagnie de l’acteur Vincent Lindon, tantôt avec son époux Ernst August de Hanovre.

Dans le premier cas, la Cour européenne des droits de l’homme n’avait pas suivi l’avis des tribunaux allemands et estimé qu’il s’agissait bel et bien d’une atteinte à son droit à l’image. Dans le second, elle avait décidé le contraire. Le contexte a fait la différence entre les deux situations. Dans la première, les clichés ne faisaient rien d’autre que s’immiscer dans une tranche de vie privée. Tandis que dans la seconde, ces paparrazades la montrant dans une certaine insouciance avaient été prises alors que son père, le prince Rainier, était malade. La Cour européenne a dès lors jugé que le droit à l’information du public devait prévaloir.

Dutroux et son image

Le droit à l’image n’est donc pas absolu et le droit à l’information, dans certaines circonstances, pourra le supplanter. Marc Isgour cite l’exemple du procès Dutroux en 2004, au cours duquel l’accusé s’était opposé à être filmé ou photographié. Le président de la Cour avait accédé à sa demande mais quelques jours plus tard, le quotidien flamand Het Laatste Nieuws et le magazine La Libre Match passaient outre cette interdiction.

« En théorie, Marc Dutroux avait la possibilité de refuser que son image soit diffusée, mais cette affaire criminelle est d’une telle ampleur en Belgique que, selon moi, le droit à l’information prime ici. On m’avait aussi consulté concernant l’opportunité de publier ou non des photos de Michel Nihoul à sa sortie de prison. J’avais aussi répondu que le droit à l’information prévalait. Ce qui n’aurait plus été le cas six mois plus tard, car le lien avec l’actualité n’aurait plus été établi et, dans ce cas, il aurait pu invoquer son droit à l’oubli. »

Le droit à l’information n’autorise tout de même pas tout. Et les médias ont parfois tendance à l’oublier. S’il n’est pas rare de retrouver des photographies issues des réseaux sociaux dans la presse écrite, notamment pour illustrer des faits divers, cette pratique ne coule pas de source. En 2013, le Conseil de déontologie journalistique, appelé à se prononcer par rapport à l’utilisation par une journaliste d’une image publiée sur Facebook, avait déclaré que « le fait pour des journalistes d’avoir accès à des photos en ligne ne donne pas automatiquement le droit de les reproduire. Mais il peut y être dérogé lorsqu’une personne a rendu elle-même son image publique. »

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