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Quand le digital envoie le microscope au placard
17/09/2014

Au-delà de ses capacités de détection, le logiciel séduit donc pour ses facultés de stockage et de partage. Depuis 2010, avec l’aide du Professeur Didier Cataldo, co-directeur du laboratoire de biologie des tumeurs et du développement de l’Université de Liège, la plateforme Cytomine  se développe au sein du GIGA. Le succès croît rapidement, et de cinq utilisateurs, elle dépasse aujourd’hui la centaine, au sein du CHU et de l’université. « Nous avons également ouvert un service similaire aux étudiants en histologie, précise Benjamin Stévens. Il y a en médecine de plus en plus d’étudiants, et la faculté doit faire face à de nouveaux problèmes d’organisation, notamment des travaux pratiques. Idéalement, il faudrait un microscope par étudiant, ce qui coûte très cher. Et puis, par exercice, chaque étudiant doit avoir une lame. Il est impossible d’avoir deux fois les mêmes échantillons, et certains sont moins bons que d’autres. Se procurer des lames de bonne qualité peut vite devenir un véritable défi. En plus, avec le microscope, le professeur ne voit pas ce que l’étudiant voit. Parfois, ce dernier rate une question parce qu’il n’est pas allé assez loin dans son observation… Le microscope, pour autant d’étudiants, ce n’est pas pratique. »

Cytomine apporte des solutions évidentes à ces problèmes. Acheter et entretenir des centaines de microscopes n’est plus une obligation, une seule lame d’un bon échantillon peut être numérisée et étudiée par tous les étudiants en même temps, et l’application permet une traçabilité précise de leurs activités. Dans une quête de ludisme, certains enseignants annotent même des zones de l’image pour établir des parcours d’examens ou d’exercices. Ils jalonnent l’échantillon de questions précises en fonction de ce que les étudiants sont censés y voir. De véritables jeux de piste, où chaque étape est localisée par des petits drapeaux sur lesquels l’étudiant peut zoomer pour découvrir ce qu’il est attendu de lui. Une possibilité d’interaction nouvelle pour tester les connaissances de chacun.

Aujourd’hui, plus d’un millier de comptes d’étudiants et de professeurs sont actifs sur la plateforme. L’équipe participera, en partenariat avec la faculté de médecine et avec l’IFRES, au projet Histoweb, une prolongation de Cytomine exclusivement destinée à l’enseignement, et qui recherchera de nouvelles possibilités d’enseignement et d’encadrement, notamment l’établissement d’exercices à préparer en ligne en dehors des heures de cours. « On pourra voir quand chaque étudiant se connectera. On rajoutera à cela, et en accord avec eux, un outil pour avoir une trace de la manière dont ils préparent leurs examens. On pourra corréler ces observations avec le taux de réussite dans le but d’améliorer leur apprentissage. »

Cytomine2

Au service de l’urgence

Au-delà de la recherche et de l’enseignement, Cytomine atteint le nerf de la guerre et souhaite convaincre la sphère clinique. « C’est un domaine dans lequel un remplacement pur et simple du microscope reste sujet à controverse, nuancent les chercheurs. Les pathologistes doivent valider la technologie. Le diagnostique qu’ils posent sur une image doit pour cela être identique ou meilleur à celui qu’ils posent au microscope. » Et la réalité recouvre plusieurs paramètres. D’ordre technique, d’abord, et d’une possible altération de l’image par la compression numérique ; d’ordre humain, et d’une résistance des experts au changement, ou encore de l’ordre du confort de la vision. Le champ de vision sur un écran est toujours moins large que le champ de vision au microscope, qui embrasse tout ce que les yeux voient, et plonge le regard au cœur des cellules.

Mais la mécanique qui se met en place est au changement. Rien que par le vecteur de l’enseignement, la prochaine génération de pathologistes travailleront essentiellement sur écran. Les plus grands fabricants de microscope l’ont bien compris et lancent des scanners de lames à des prix de plus en plus démocratiques (de l’ordre de 200 000 euros tout de même pour des scanners à haut débit). Actuellement, le CHU de Liège est demandeur de la technologie pour des cas déjà bien précis. « Par exemple, illustre Benjamin Stévens, lorsqu’un chirurgien est en train d’opérer, il est parfois amené à prélever un échantillon sur le patient et a besoin d’un diagnostique rapide du pathologiste pour continuer. Dans un réseau d’hôpitaux tel que le CHU de Liège, le pathologiste n’est pas toujours disponible, ni sur le bon site. Il est donc appelé en urgence, et passe parfois un temps considérable en voiture pour quelques minutes d’observation au microscope. Avec cette technologie, le chirurgien prélève l’échantillon et le confie à un technicien capable de le numériser. Le pathologiste reçoit l’échantillon dans sa boîte mail et peut remplir le protocole pour le renvoyer au chirurgien, qui peut poursuivre l’opération.» 

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