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Ejaculation précoce : la « bibliothérapie »
17/06/2014

Car si les partenaires sont épanouis malgré une pénétration de courte durée, pourquoi vouloir considérer absolument cette ‘éjaculation précoce’ comme un trouble ? Et puis il y a aussi les éjaculateurs précoces qui ne consultent pas : outre ceux qui sont de vrais précoces, avec la souffrance qu’elle engendre dans le couple mais qui n’osent pas en parler, il y a aussi des cas particuliers d’hommes qui passent de très longues minutes à des préliminaires comblant ainsi leur partenaire malgré une pénétration qui ne durerait que 1-2 minutes ; ou encore, ceux qui ne souffrent pas d’une relation sexuelle vite-fait-bien-fait, sans préoccupation pour la satisfaction de leur partenaire. C’est lorsqu’il y a frustration et souffrance qu’il est possible de tenter de comprendre les raisons et d’y remédier. Parfois, cela tient réellement de la durée trop courte de la relation sexuelle, mais parfois c’est tout le rituel amoureux qui est en cause. »

Les hommes plus frustrés que leur partenaire

La souffrance que retirent les hommes de leur éjaculation précoce peut être considérable. Outre de la frustration sexuelle, la difficulté peut provoquer une perte d’estime de soi, de l’anxiété, voire de la dépression. « De plus, l’homme qui en souffre peut avoir tendance à vouloir éviter les relations sexuelles car elles le confrontent à ses échecs. L’impact sur les partenaires est important également : les études montrent qu’elles rapportent plus souvent que les autres une moins bonne satisfaction sexuelle et sont plus souvent elles-mêmes concernées par des troubles sexuels également, comme les troubles de l’orgasme. Mais attention tout de même : toutes les partenaires des hommes atteints d’éjaculation précoce ne souffrent pas de cette situation ; mieux : les hommes concernés ont même tendance à surestimer le degré de souffrance de leur partenaire… Peut-être parce qu’ils transposent sur leur partenaire leur propre degré de frustration. Lorsqu’elles sont interrogées, les femmes affirment souvent souffrir davantage de la frustration qu’elles constatent chez l’homme du fait de sa rapidité que de la rapidité en elle-même », poursuit Philippe Kempeneers.

Il constate aussi chez ses patients qu’ils cherchent à y remédier seuls, testant l’une ou l’autre méthode avant de consulter : « Cela va de la consommation d’alcool et de drogues pour plus de la moitié des hommes ; quasi un tiers affirme avoir appliqué des pommades censées retarder le moment ‘crucial’… Plus de 60% interrompent toute stimulation sexuelle, deux tiers tentent de se concentrer sur des pensées non érotiques et la même proportion éjaculent préventivement, avant la relation sexuelle, par exemple par la masturbation, en espérant ainsi faire durer le ‘deuxième set’. Ces solutions n’en sont généralement pas : les composants de ces pommades vendues sur internet ne sont pas contrôlés ; pour sa part, l’alcool est l’ennemi du contrôle, ce qui a peu de chances de mener à une amélioration ; enfin, une éjaculation préalable pourrait même empêcher de parvenir à une seconde érection dans les minutes qui suivent… »

Influencer les causes ?

La réponse à l’éjaculation précoce ne consisterait-elle pas à en résoudre les causes ? Ce serait probablement l'idéal, à condition de pouvoir les identifier, car il n'existe pas, ici non plus, de consensus sur des causes précises, mais plutôt sur des facteurs de risque, comme a pu le conclure Philippe Kempeneers dans son travail.

Tout d'abord, il y a une composante biologique, comme l'action de certains neurotransmetteurs, sur le délai de l'éjaculation: les circuits sérotoninergiques et dopaminergiques jouent un rôle, de même que certains récepteurs de l'ocytocine. « Or, la sensibilité de ces systèmes neurophysiologiques varie d'un homme à l'autre, en fonction notamment de facteurs génétiques. Une étude a estimé à 28% la part du problème susceptible d'être expliquée par l'hérédité, toutes formes d'éjaculation précoce confondues. »

Il y a aussi l’influence du milieu hormonal : plus on a des taux de testostérone élevés, plus l’éjaculation risque d’être rapide. Le fait de souffrir d’hyperthyroïdie, de troubles urinaires ou de certaines affections neurologiques pourrait aussi influencer la rapidité du réflexe éjaculatoire. Et puis il y a les facteurs émotionnels, comme l’irritabilité et l’anxiété qui apparaissent liées à l’éjaculation précoce. Mais laquelle provoque l’autre ? On a de bonne raison de penser que l’anxiété accroît la rapidité d’éjaculation mais elle est aussi une conséquence de l’expérience répétée de l’éjaculation précoce.  Du reste il est encore possible que la faible concentration en sérotonine soit à l’origine des deux phénomènes, éjaculation précoce et anxiété, sans que les deux ne soient liées entre eux…

Il faut également signaler les facteurs d’apprentissage : « Aujourd’hui, l’idée est que l’éjaculation précoce résulte moins de ‘mauvais’ apprentissages que d’un manque d’apprentissage. Un réflexe biologiquement normal n’est pas forcément optimal d’un point de vue hédonique et relationnel. Dans ces conditions, les hommes doivent apprendre à différer leur éjaculation… »

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