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Restimuler la conscience évanouie
28/05/2014

Depuis les travaux de l'équipe de Steven Laureys publiés en 2000 dans The Lancet, on sait que sur le plan neuroanatomique, la conscience implique notamment l'activation de plusieurs noyaux répartis dans différentes zones du cortex associatif, ainsi que de boucles thalamocorticales, c'est-à-dire de circuits mettant en résonance des noyaux de la base (en particulier le thalamus) et des régions du cortex. La conscience semble indissociable de ces boucles de rétroaction, lesquelles constitueraient un mécanisme d'amplification de l'attention qui permettrait l'entrée d'une représentation donnée dans notre espace de travail conscient.

En 2006 paraissait dans Nature un article de Nicholas Schiff, de Cornell University (New York). Il nous apprenait que la stimulation du thalamus par des électrodes implantées pouvait être bénéfique aux patients en état de conscience minimale. « Invasive, cette technique risque néanmoins de provoquer des saignements et des infections, rapporte Steven Laureys. Aussi avons-nous décidé, au Coma Science Group, de nous tourner vers la stimulation transcrânienne à courant continu (tDCS), méthode non invasive dont l'intérêt avait déjà été mis en lumière chez le sujet sain, où elle améliorait les capacités d'attention, la mémoire de travail ou encore la fonction langagière. »

Chez les sujets sains, la stimulation se réalisait via deux électrodes collées sur la tête, l'une au niveau frontal gauche, l'autre au niveau supra-orbiculaire droit. Ce sont ces deux mêmes emplacements que choisirent les chercheurs du Coma Science Group, dans la mesure où les stimulations électriques diffusées au départ de ces localisations semblent toucher des régions préalablement définies comme impliquées dans le phénomène de la conscience.

Stimulation transcranienne

Signes de conscience

Cinquante-cinq patients en état végétatif/non répondant ou en état de conscience minimale se virent administrer des stimulations par tDCS durant 20 minutes. Certains d'entre eux se trouvaient en phase chronique, c'est-à-dire plongés depuis plus d'un mois en état végétatif/non répondant ou en état de conscience minimale après leur sortie du coma ; d'autres étaient en phase aiguë et subaiguë (moins de trois mois). « En outre, tant les comas d'origine traumatique que les comas d'origine non traumatiques (anoxies) étaient représentés », précise Steven Laureys.

Au cours d'une première étape, les chercheurs montrèrent l'innocuité des stimulations. En particulier, elles ne généraient pas d'épilepsie. Le protocole de l'expérimentation proprement dite était en double aveugle contrôlée par placebo. L'expérimentatrice, Aurore Thibaut, kinésithérapeute et doctorante au sein du Coma science Group, fournissait un code au stimulateur. Selon ce code, dont elle ignorait s'il activait ou non les électrodes, les patients recevaient ou non du courant continu. Par ailleurs, entre chaque séance, s'écoulaient 48 heures au terme desquelles les codes étaient inversés pour chaque patient, de sorte que ceux qui avaient été stimulés précédemment ne l'était pas lors de la séance suivante, et inversement.

Dans chaque cas, l'état de conscience du patient était mesuré au moyen d'un outil standardisé, l'« échelle révisée de récupération de coma » (Coma Recovery Scale-Revised – CRS-R), développée aux Etats-Unis par l'équipe de Joseph Giacino  et validée en français et en néerlandais par Caroline Schnakers, chargée de recherches FNRS à l’ULg, et par Steven Laureys. Au total, quatre évaluations furent effectuées chez chaque patient : avant et après la « vraie » stimulation, avant et après la « fausse » (placebo).

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