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Découverte d’anneaux autour d’un astéroïde
23/05/2014

Des similitudes avec la lune

En outre, cette collision créatrice d’anneaux rappelle l’hypothèse la plus probable expliquant la formation de la lune. Il a effectivement pu y avoir une collision entre une petite planète et la Terre au moment de sa formation. De la matière aurait été arrachée, se mettant à orbiter sous forme d’un anneau autour de notre planète. Ce disque se serait ensuite aggloméré pour donner naissance à la lune. « Cependant, les anneaux de Chariklo ne vont pas former un satellite, pas plus que les anneaux de Saturne, tempère le chercheur. Au moment de la formation de la lune, la matière dans le système solaire était encore très chaude, et les roches, malléables. Aujourd’hui, la matière est trop froide. D’ailleurs, la plupart des astéroïdes ne sont pas très compacts. On pourrait presque les voir comme des gros tas de cailloux. »

L’œil sur l’anneau

Ce double anneau est donc une véritable découverte, que personne n’attendait. Comme toute découverte, elle ouvre un tout nouveau pan dans l’étude des petits corps du système solaire. Quelle est la stabilité de ces anneaux, comment sont-ils apparus, de quelle matière sont-ils composés, y a-t-il des satellites bergers les confinant, ou faut-il revoir toute la théorie expliquant la stabilité gravitationnelle des anneaux, même planétaires, y a-t-il d’autres petits corps pourvus d’anneaux de ce type ? « Avant, on ne les cherchait pas spécialement, maintenant, on va le faire, se réjouit le chercheur. C’étaient des observations difficiles à réaliser, notamment parce qu’il n’est pas évident de prédire les occultations. Encore aujourd’hui, la plupart d’entre elles, on les rate, on ne peut même pas les observer, parce que l’éclipse ne passe pas au-dessus de nos télescopes. Mais maintenant, on sait quoi chercher et on va s’y atteler. Pour les autres astéroïdes, mais aussi pour Chariklo. »

TRAPPIST ULg Chili

C’est une véritable sucess story pour TRAPPIST, tellement importante que les chercheurs de l’ULg ont demandé des fonds pour construire son petit frère dans l’hémisphère nord, et s’offrir la capacité de couvrir tout le ciel depuis la Terre. Pourtant, le télescope n’a pas été conçu pour observer ces occultations. Ses missions premières sont la détection d’exoplanètes et l’étude de la composition chimique des comètes et des astéroïdes, pour lesquels les chercheurs consacrent la majeure partie du temps du télescope. L’observation de Chariklo n’est pas pour autant un coup d’essai. Des occultations, ils tentent d’en détecter environ une tous les mois, et c’est la troisième fois que l’une d’elles est déterminante dans le domaine et fait l’objet d’un article dans la revue Nature et Science. TRAPPIST avait déjà ainsi permis de mesurer précisément la taille de celle qui fut un temps la possible dixième planète, Eris (lire l’article Éris, la lointaine jumelle de Pluton). Aujourd’hui, Emmanuël Jehin et ses collaborateurs comptent bien intensifier leur programme autour de ce type d’objet. Une fois par semaine, TRAPPIST va observer Chariklo, notamment pour détecter une possible activité cométaire. Pas besoin de l’occultation d’une étoile, la lumière directe de l’astéroïde suffit pour ce type d’observation.

Et le télescope liégeois n’est pas le seul à pointer son regard sur le centaure. Initialement tout à fait banal, il est devenu en moins d’un an la coqueluche des astrophysiciens, et jouit aujourd’hui d’un tel intérêt que les plus gros télescopes du monde, réquisitionnés pour les missions de premier ordre, pourraient daigner y jeter un petit coup d’œil. « Chariklo est devenu un objet unique dans le système solaire, presque mythique, se targue le chercheur. Les informations que cet objet unique va dévoiler, notamment sur sa composition chimique, sur son activité, sur sa stabilité, sont cruciales. Depuis la découverte de ces deux anneaux, plusieurs projets d’étude ont été déposés un peu partout. Une demande de temps d’observation a par exemple été introduite pour utiliser le télescope spatial Hubble de la NASA. Avec un instrument d’une telle sensibilité, et avec la netteté des observations à partir de l’espace, sans l’atmosphère terrestre, il pourrait être possible d’observer les anneaux en direct. Ce système, nous l’avons trouvé, nous n’allons plus le lâcher ».

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