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Une nouvelle classe de plastiques
15/05/2014

Conditions douces et... lentes

Une autre particularité de ce système, qui a plutôt surpris les chercheurs, est quil fonctionne dans des conditions relativement douces: à 40°C et à 10-50 bar. A l'inverse du processus industriel  conventionnel qui n'est pas contrôlé et qui se fait généralement à hautes températures (plusieurs centaines de degrés) et hautes pressions (1000 bar ou plus). "Or, plus vous augmentez les températures et les pressions, plus vous avez de l'anarchie. Plus on travaille à température modérée, plus on minimise les réactions secondaires, plus on les évite".

Reacteur production EVA"Quand nous préparons des copolymères séquencés, l'intérêt du procédé est que nous travaillons en "one-pot": ce copolymère séquencé AB, on le polymérise à 50 bar puis à 10 bar, tout se fait dans le même réacteur sans rien isoler entre les deux étapes, souligne Christophe Detrembleur. On laisse quelques heures (6-7) réagir à 50 bar, on consomme une partie de l'acétate de vinyle et puis on change la pression et le second bloc se forme en quelques heures. On ne consomme pas tout l'acétate de vinyle au cours de la première étape afin quil nous serve non seulement de monomère mais également de solvant pour le copolymère AB qui se forme au cours de la seconde étape. ".

Seul petit inconvénient à ces conditions de synthèse avantageuses: le processus de polymérisation radicalaire contrôlé est plus lent que le système conventionnel.

Mieux que la nature?

Les polyéthylènes sont les polymères les plus produits dans le monde. Par conséquent, parvenir à contrôler les copolymérisations à base d’éthylène, qui plus est dans des conditions douces,  représente une sorte de Graal pour les polyméristes qui voient ainsi s'ouvrir une constellation d'applications incroyablement variées.

Dans ce sens, l'équipe du CERM s'est mise sur la piste de l'homopolymère de polyéthylène, à savoir une polymérisation de l'éthylène seul. "On voudrait avoir accès à des copolymères à blocs où au moins une séquence (un bloc) est du polyéthylène pur. On y travaille, on arrive à préparer du polyéthylène, mais on ne sait pas encore s'il est contrôlé. Une fois les conditions de contrôle établie, nous devrions avoir la possibilité de former des copolymères à bloc pour lesquelsun bloc de polyéthylène pur sera lié à un polymère polaire: vous élargissez ainsi considérablement le champ des applications. Notre technique ne vise absolument pas à supplanter les polyéthylènes et ses copolymères préparés par les techniques de polymérisation conventionnelles, nous voulons donner accès à des produits inédits à plus haute valeur ajoutée permettant d’élargir le champ dapplication des polyoléfines (vers le biomédical, les batteries, … ). Evoluer vers les productions dans l'eau: aujourd'hui, la majorité des latex sont produits industriellement par polymérisation radicalaire conventionnelle, l'objectif est dadapter notre nouveau procédé pour la production de latex à base de polyoléfines, mais ceci est encore du domaine du futur".

Pour résumer, la particularité de cette découverte est de pouvoirmoduler très facilement la réactivité du système sans changer l'agent de contrôle et ceci, uniquement en jouant sur les critères expérimentaux, tout en contrôlant la polymérisation de monomères qui ont des réactivités opposées. "C'est assez unique, se réjouit le chercheur. C'est aussi une des raisons pour lesquelles cet article a été accepté dans Nature Chemistry, parce que personne n'arrive à contrôler très finement l'éthylène en polymérisation radicalaire. Cela ouvre la voie à des polymères impossibles à préparer par la technique conventionnelle et à des applications certaines". Ainsi, au CERM, des chercheurs étudient des variantes de ces copolymères en tant que vecteurs de médicaments.

La nature est également faite d'une succession de macromolécules biologiques, où chaque unité monomère est localisée à un endroit bien précis. "Si vous en intervertissez une cela ne donne plus la même chose. Dans les plastiques synthétiques, l'agencement des unités monomères, la structure du polymère et sa fonctionnalité sont également extrêmement importants parce quils  gouvernent les propriétés finales du matériau. Mais la nature le fait beaucoup mieux que nous: je ne peux pas décider de la place de chaque monomère, par contre, je peux contrôler l'architecture, savoir la quantité de monomères présents. En revanche, parvenir à contrôler l'addition de différents monomères ABCDE et pouvoir les assembler un à un, on n'y est pas encore. Quelques groupes y travaillent, mais c'est une tâche de très très longue haleine... Le Graal ultime est d'arriver à contrôler tous ces agencements", conclut Christophe Detrembleur.

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