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Quand le citoyen devient acteur
28/04/2014

Les démarches participatives relèvent des méthodes qualitatives de collecte de données, qui ne se basent donc pas sur la masse d’informations à récolter (à la différence des méthodes quantitatives comme les enquêtes et autres sondages) mais bien sur leur diversité et leur caractère compréhensif du monde qui nous entoure. « Ce livre a pour ambition de montrer comment on peut utiliser la participation pour produire de la connaissance dans différents contextes et pour différentes thématiques », décrit Sébastien Brunet.

Double facette

Technique délicate également car elle possède potentiellement deux facettes. La première répond à une visée scientifique de production de connaissance, tandis que la seconde peut avoir une portée politique en fournissant aux décideurs un précieux outil d’aide à la prise de décision. « Cette ambivalence, ce double objet est parfois compliqué à appréhender, étant donné qu’il peut arriver que des questions de recherche aient une portée politique et que les démarches participatives soient utilisées à des fins de légitimation de l’action politique. »

Si les méthodes participatives – sous une forme ou sous une autre – ont toujours existé, elles se sont néanmoins déployées ces trente dernières années dans le champ de la science politique, d’abord sous l’impulsion de philosophes qui voyaient dans les expériences délibératives une manière de redynamiser les démocraties représentatives occidentales, puis grâce aux chercheurs qui ont voulu vérifier empiriquement leurs supposés bienfaits théoriques. De multiples initiatives ont ainsi vu le jour. Comme les budgets participatifs, généralement proposés par des élus locaux qui souhaitent intégrer les citoyens dans les processus décisionnels en leur permettant d’exprimer leur avis quant à l’affectation des montants auxquels ils ont directement contribué en s’acquittant de taxes et de redevances. Une pratique née dans les années 80, qui s’est répandue dans 250 endroits à travers le monde.

Les sondages délibératifs se sont eux aussi multipliés, considérant que les sondages traditionnels ne reflétaient pas réellement la voix du peuple puisqu’ils mesuraient des avis non informés. Pour les observateurs, certaines opinions pourraient être induites par l’exercice mais n’existeraient pas en tant que telles. C’est pour répondre à ces critiques que des alternatives se sont développées, comme les « Deliberative Polls » dans les années 1990. Ceux-ci visent à combler ces lacunes, en regroupant un échantillon représentatif de citoyens et en les sondant d’abord « à froid » puis en réitérant la manœuvre après un week-end d’information. Constat : les résultats obtenus varient sensiblement.

Les jurys et conférences citoyens, qui ont fait leur apparition dès les années 1980, ambitionnent eux aussi de récolter un avis éclairé. Ils rassemblent des participants sélectionnés de manière aléatoire autour d’une thématique pour élaborer une série de recommandations, au terme de plusieurs jours d’informations et de discussions. Soit le principe expérimenté par Meeting of Minds, mais aussi par le G1000, cette initiative portée par la Fondation pour les Générations Futures qui avait réuni en novembre 2011 704 citoyens tirés au sort pour débattre et formuler des propositions relatives à la sécurité sociale, le bien-être en temps de crise financière et l’immigration. Ce rassemblement avait donné lieu à une liste de priorités, qui a été transformée en liste de propositions de réformes remise aux autorités suite au travail d’un G32, soit d’un panel restreint de 32 personnes.

Réduire le déficit démocratique

Quelle que soit la forme de l’expérience participative, toutes visent à impliquer davantage les citoyens. Mais les méthodes participatives peuvent viser des objectifs et recouvrir des réalités différents en fonction de la manière dont elles s’articuleront au processus de prise de décision dans lequel elles s’insèrent. Ainsi, la participation peut être mobilisée en amont pour mettre à l’agenda politique des thématique ou questions qui sont des sujets de préoccupation pour les citoyens. Il peut aussi s’agir de collecter des informations, des avis, des opinions sur des sujets précis pour alimenter un débat. On peut également faire de la participation pour amener les participants à exprimer leurs priorités parmi un éventail de propositions ou encore leur faire prendre part directement à la prise de décision comme c’est le cas pour le référendum par exemple. Les citoyens peuvent enfin être invités à participer à la mise en œuvre, voire à l’évaluation des décisions au travers de dispositifs participatifs ad hoc.

Le fil rouge de toutes les méthodes participatives, quelles qu’elles soient et quels que soient leurs desseins, reste de réduire le fossé entre citoyens et politiques. En d’autres termes à atténuer le déficit démocratique, causé par le fait qu’un corps fictif appelé « peuple » confie sa parole à des mandataires politiques qui finissent par la monopoliser, avec le risque parfois  de s’en éloigner. Pour Sébastien Bunet, la participation permet aussi aux citoyens de « sortir de leur torpeur individualiste dans laquelle nos sociétés délégatives les plongent irrémédiablement et dans laquelle ils se complaisent. Car participer à la construction d’un collectif relève pour l’individu d’une démarche volontariste, coûteuse, risquée et incertaine. »

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