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Quand le citoyen devient acteur
28/04/2014

Une démarche triplement risquée, donc : pour les participants qui se retrouvent confrontés à d’autres et qui peuvent se remettre en question, pour les pouvoirs publics qui mettent leur légitimité en compétition, et pour les scientifiques qui sont confrontés à des questions de crédibilité.

« Il y a des tas de dispositifs qui scient la branche sur laquelle ils sont assis parce qu’ils n’ont pas été suffisamment pensés », juge le chercheur. Et de citer la nécessité de réunir un bon panel de participants. « Tout l’enjeu est de convaincre des personnes a priori peu enclines à investir du temps et de l’énergie dans ces processus, afin d’aller chercher des voix qui d’habitude ne sont pas représentées », ajoute-t-il. Le rôle du scientifique est aussi primordial pour élaborer le « design » du dispositif et pour le baliser (étude, pré-test, test, documentation, évaluation…). Car si « la participation ne se "décrète" pas, écrivent les auteurs dans l’introduction de l’ouvrage, sa mise en œuvre repose néanmoins sur des procédures, des méthodes et des principes théoriquement fondés. »

Représentativité, coût, manipulation ?

Cela n’empêche pas certaines critiques quant à l’utilité, l’objectivité et la signification de la  participation publique. L’un des chapitres du livre, intitulé « Critiquer les méthodes participatives ou succomber au chant des Hespérides ? », met en perspective la désagréable expérience vécue par ses deux auteurs, Pierre Delvenne (chargé de recherche FNRS à l’ULg) et Martin Erpicum (conseiller scientifique à l’Institut bruxellois pour la recherche et l’innovation). Lors de la présentation d’un de leurs travaux à l’occasion d’un congrès mondial organisé au Chili en 2009, ils ont été confrontés aux accusations négatives, voire au scepticisme à peine voilé de leurs confrères. 

« Le monde scientifique n’est pas exempt de conflits !, s’exclame Sébastien Brunet. Le reproche principal que l’on adresse à la participation est son caractère non généralisable. Or l’objectif n’est justement pas d’être représentatif, mais d’aller chercher des opinions fortes et de confronter les idées pour obtenir un regard diversifié sur une problématique. » Autres objections souvent formulées à son encontre : le coût élevé de la méthode (dépenser beaucoup d’argent pour ne recueillir l’avis que d’un nombre limité de personnes), ainsi que les risques de manipulation, de produire des opinions orientées en fonction des attentes du commanditaire. « La réponse à cette remarque est l’authenticité de la démarche, répond-il. Les personnes qui y participent ne doivent pas se sentir prises au piège dans un dispositif. Dès lors le protocole de recherche doit être clair et précis. La qualité dépendra de la rigueur de la méthodologie. »  

Sur le plan politique, d’aucuns s’interrogent également quant à la pertinence d’ajouter des « béquilles décisionnelles » au système représentatif électoral. Pourquoi organiser des élections si la voix des élus ne suffit pas ? « Or il s’agit d’améliorer la décision, contre le professeur. La participation peut faire peur aussi parce que ses résultats sont non prévisibles si elle est authentique. L’absence de garantie de résultats peut mettre les décideurs mal à l’aise. »

Aussi bien préparées soient-elles, les expériences participatives peuvent quelque peu passer à côté de leur objectif initial. Si Meeting of Minds a par exemple bel et bien conduit à la production de recommandations, la démarche a aussi produit des « effets curieux » et contre-productifs. Comme le fait que les participants ont fini par faire passer les neurosciences à l’arrière-plan pour se concentrer sur la production collective d’un avis.

« Ces méthodologies ont leur place même si elles ne parlent pas à tout le monde, conclut Sébastien Brunet. C’est une richesse que de pouvoir faire appel à l’interdisciplinarité. Il faut essayer de diversifier les regards et combiner les atouts des différentes approches. » 

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