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Ressources humaines : le difficile exercice de la théorisation
26/03/2014

Un exemple concret : le CHU de Liège

Le CHU de Liège a été récemment un terrain d’analyse de François Pichault. Plus gros employeur de la Province de Liège, il a fallu y proposer un nouveau modèle de gestion des ressources humaines. « Très vite, s’est posée la question de la vision et du modèle à appliquer à l’institution », se souvient François Pichault. En effet, s’il s’agit bien d’une institution unique, on y trouve cependant plusieurs métiers : personnel administratif, technique, infirmier, médical … avec, pour les uns, un travail procédurisé ou pour les autres, une hiérarchie et un protocole très présents. « Cependant, même si administratif et infirmier peuvent être perçus comme des métiers différents, ils sont en fait assez proches en termes organisationnels et, pour ces deux-là, on pourrait imaginer une convention de gestion des ressources humaines qu’on appelle objectivante dans notre jargon, des règles claires, à l’ancienneté, avec des grilles de salaire, des plans de formations pour tout le monde … », souligne François Pichault.

En revanche, pour le corps médical, les conventions sont différentes. « J’y vois deux raisons : d’abord le rôle des pairs est plus important et, ensuite, il existe une certaine volonté d’indépendance. » En effet, toute tentative de mainmise de l’institution sur le temps de travail sera très vite rejetée ; quant au choix d’un responsable de département, il fera l’objet d’une élection parmi les pairs. On parlera d’une convention délibérative.
Pour les cadres, on peut encore envisager une autre convention, qualifiée d’individualisante, davantage centrée sur les performances de chacun, des plans de formation personnalisés, de la rémunération variable, etc.

La mise en place de ce modèle mixte, composé de plusieurs conventions, a pris quatre ans.

Plusieurs obstacles

Comme on le voit, l’implémentation d’une nouvelle gestion des ressources humaines est un processus long mais, surtout, n’est pas automatiquement acquise. On note certains freins, dont le premier est de franchir le cap de la formalisation. « Je rappelle souvent que les PME représentent 75 % de notre économie ; la difficulté se situe au sein de la PME qui grandit trop vite et qui n’intègre pas la gestion des ressources humaines de manière cohérente. La Flandre a beaucoup mieux géré la professionnalisation de la PME en croissance, alors qu’en Wallonie, cela reste du paternalisme, du discrétionnaire, dans beaucoup de cas. »

Un autre blocage concerne l’individualisation de la GRH pratiquée au nom de la modernisation. Le plus bel exemple est la réforme Copernic de l’administration fédérale, initiée en 2001 et abandonnée six années plus tard. Là, l’inadéquation entre les objectifs assignés aux top managers et la base bureaucratique était flagrante : « on a, d’une certaine manière, un décalage entre une GRH qui impose de s’investir dans ses objectifs et la structure qui reste complètement inchangée, rigide et bureaucratique. Et donc tout ça a amené l’échec de la réforme, impliquant un énorme gaspillage d’argent et un désenchantement. »

Enfin, il est difficile de montrer l’impact d’une bonne gestion des ressources humaines sur la réussite d’une entreprise ou d’une PME. « Depuis plus de vingt ans, observe François Pichault, de nombreuses études essaient d’établir une corrélation entre les efforts fournis en matière de gestion des ressources humaines et la performance d’une structure. » Et l’absence d’unanimité est criante. Le chercheur y voit plusieurs raisons à commencer par ce qu’on entend par ‘performance d’entreprise’ et la manière dont on la quantifie. « Vous pouvez avoir fait un magnifique investissement en GRH et dans le même temps connaître une flambée de vos coûts de matières premières qui vous met par terre. »

Etablir une relation entre ces deux notions est donc aléatoire. « Ce qui se dégage dans la littérature, c’est plutôt l’approche configurationnelle qui prône une vision de la GRH comme un ensemble de variables interreliées plutôt que comme une série d’initiatives isolées… », conclut François Pichault.

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