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La traque aux composés organiques volatils
31/01/2014

Si les composés organiques volatils intéressent tant les chercheurs, c’est parce que certains d’entre eux sont chimiquement très réactifs. L’atmosphère est chamboulée par leur présence. Par exemple, les réactions chimiques qu’ils provoquent aboutissent soit à la création, soit à la destruction d’ozone dans l’air que nous respirons. En milieu pollué par la combustion de fuels fossiles (présence d’oxydes d’azote), de l’ozone sera créé, avec des effets néfastes sur la qualité de l’air. En milieu rural par contre, comme l’a montré le chercheur américain Allen Goldstein (voir Nature 459, May 2009), un des pionniers de la recherche dans ce domaine, certains VOCs peuvent réagir avec les molécules d’ozone et former des aérosols qui peuvent provoquer une sorte de brume au-dessus de la forêt. Selon les estimations de Goldstein, 150 à 200 millions de tonnes de VOCs autour de la planète seraient converties en aérosols. Or les spécialistes se demandent aujourd’hui dans quelle mesure ces aérosols ont un impact sur le climat. Ils pourraient avoir un effet « refroidissant », en bloquant une partie des rayons solaires. Les modèles climatiques, en tout cas, commencent à intégrer ces données. Une étude récente (2) a compilé 28 campagnes de mesures réalisées un peu partout dans le monde, afin de confronter la modélisation des émissions d’isoprène avec la réalité du terrain, selon le climat et le milieu naturel (toundra, forêts tempérées, etc.). Les mesures réalisées par Bernard Heinesch et ses collaborateurs dans la forêt de Vielsalm ont été intégrées dans cette étude. « Ce qui est précieux dans nos données, c’est la longueur exceptionnelle de nos mesures : trois ans, permettant de suivre plusieurs cycles de végétation. »

Lonzee Vielsalm VOC

Dans la forêt de Vielsalm, les chercheurs de l’Unité de physique des biosystèmes de Gembloux Agro-Bio Tech ont donc laissé tourner leurs équipements durant des saisons de végétation entières, d’avril à octobre. Ils ont montré que la quantité d’isoprène émise augmente avec la température et le rayonnement et que à température et rayonnement égal, elle diminue progressivement à partir de l’été jusqu’ à l’automne. La production d’isoprène, concluent les chercheurs, est liée à la photosynthèse et donc à la quantité de carbone absorbé par la plante. « On s’en doutait un peu, précise Bernard Heinesch. Des études de laboratoire avaient déjà démontré que l’isoprène est un sous-produit de la photosynthèse. Encore fallait-il le confirmer en plein air. »

Une autre étude (3) a mesuré la production d’un autre VOC, le méthanol (CH3OH). Il s’agirait d’un sous-produit de la croissance des feuilles, sans rôle biologique connu. Par contre, les scientifiques savent que c’est un gaz qui joue un rôle important dans la chimie atmosphérique. Les émissions de méthanol sont abondantes au moment où les feuilles poussent, au début du mois de mai, puis elles chutent sensiblement, et la forêt peut même ensuite devenir un puits de méthanol, c’est-à-dire en absorber plus qu’elle n’en émet. Les chercheurs ont remarqué que le mécanisme de disparition du méthanol augmente avec l’humidité et ils font l’hypothèse que ce composé organique volatil se dissout dans des films d’eau présents sur les surfaces pour ensuite être consommé par des bactéries.

(2) Unger et al., Photosynthesis-dependent isoprene emission from leaf to planet in a global carbon-chemistry-climate model, in Atmospheric Chemistry and Physics (2013), 13.
(3) Laffineur et al., Abiotic and biotic control of methanol exchanges in a temperate mixed forest, in Atmospheric Chemistry and Physics (2012), 12.

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