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Prévenir les inondations de la Meuse en Wallonie
20/01/2014

La question, dès lors, était de se demander ce qui se passerait si l’Etat décidait de contraindre davantage l’urbanisation. Cette question mène aux deux autres expansions urbanistiques possibles, et qui marquent une concentration, une densification de l’urbanisation dans des noyaux d’habitats. « Ces hypothèses n’ont pas été imaginées de toutes pièces, explique Arnaud Beckers. Elles s’accordent sur des réflexions politiques en cours au ministère en charge de l’urbanisation. Ces noyaux d’habitats varient en fonction de la densité de la population, des services comme les écoles ou les commerces, de la distance aux grands centres d’emplois et sont le fruit de réflexions qui englobent d’autres motivations que la prévention contre les inondations. » Elles visent une utilisation plus rationnelle du territoire, comme la limitation des déplacements en concentrant la population dans des zones déjà peuplées, où les services sont déjà développés, par exemple. Ces scénarios sont donc prospectifs, mais liés à des discussions concrètes en Région wallonne.

Le premier de ces deux scénarios de densification urbanistique a été estimé à une échelle régionale, où l’on verrait une concentration des ménages près des grands pôles d’emploi, à savoir Bruxelles, Charleroi et Liège. Le deuxième verrait une densification à une échelle plus locale, ne tenant donc pas compte d’un exode des campagnes ou des plus petites villes. Ces possibles scénarios dépendront principalement des limites des décisions politiques à venir. Ils s’actualiseront en effet suivant l’évolution de beaucoup de facteurs tributaires des pouvoirs publics, comme la disponibilité du travail, les coûts d’habitation dans les grandes villes, ou la fluidité du transport.

Chacun de ces trois scénarios d’urbanisation (continuation de la situation actuelle, densification au niveau régional, densification au niveau local) a été confronté à trois degrés de restriction. Le plus élevé étant une interdiction de bâtir dans les zones à aléa d’inondation moyen et élevé, le moins élevé consistant en une absence de restriction. Celui du milieu n’interdisait l’urbanisation que dans les zones à aléa élevé. En couplant ces résultats avec les deux scénarios climatiques, les chercheurs ont pu établir des estimations des dommages dus aux inondations de la Meuse sur les 100 prochaines années.
scénario densification

En définitive, selon le scénario optimiste du climat sec, et suivant les 9 possibles urbanistiques, les dégâts causés par les inondations atteindraient une fourchette comprise entre 334 et 462 millions d’euros, soit une croissance comprise entre 1 et 40% par rapport à une estimation tenant compte des caractéristiques de 2009. En revanche, selon le scénario le moins optimiste, à savoir une augmentation du risque d’inondation de 30% d’ici à 2100, les dommages atteindraient entre 2.124 et 2.408 millions d’euros, ce qui signifie une croissance comprise entre 540 et 630%.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Une restriction des zones à risque diminue sensiblement les coûts liés aux inondations, et ce, dans tous les scénarios envisagés. Loin d’être suffisante, elle permettrait avec d’autres mesures comme l’aménagement des barrages ou des digues d’éviter des dommages catastrophiques. Ces chiffres ne concernent bien sûr que les débordements de la Meuse, mais pointent des tendances générales éloquentes. De leur côté, les chercheurs viennent de se plonger dans une nouvelle étude de quatre ans, qui prendra en compte de nouveaux facteurs comme la perturbation des transports, de l’activité économique, l’interaction avec les eaux souterraines, ou les effets de ruissellement du bassin versant, et ce, dans des scénarios urbanistiques et climatiques plus précis. En attendant leurs résultats, une première mesure prudente à prendre par les pouvoirs publics serait de ne plus construire en zones inondables.

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