Quelle vie psychique pour les détenus ?
La liberté carcéraleLa notion d'espace est fortement perturbée, elle aussi. À cause du confinement, bien sûr. Mais pas seulement. Pour des raisons de sécurité, les cellules sont toutes les mêmes. Et si les détenus peuvent afficher des photos ou des posters, ils sont entourés de meubles qu'ils n'ont pas choisis, par exemple. « Chaque individu aspire à aménager son espace comme il le souhaite, à s'approprier un territoire, exactement comme les petits animaux territoriaux, indique Jérôme Englebert. Cette possibilité ne s'offre pas aux prisonniers, ce qui est source de difficultés psychologiques. » Il n'y a rien au sommet de la pyramide, mais pour le sujet soumis à ce dispositif sans substance et inaliénable, demeure néanmoins une forme de liberté, celle que le psychologue qualifie de « liberté carcérale ». En quoi consiste-t-elle, cette liberté aux allures de paradoxe ? Pour la cerner, Jérôme Englebert s'en remet à deux citations de Michel Foucault : « Là où il y a pouvoir, il y a résistance » et « Dans cette humanité centrale et centralisée, effet et instrument de relations de pouvoir complexes, corps et forces assujettis par des dispositifs d'"incarcération" multiples, il faut entendre le grondement de la bataille ». En d'autres termes, face à un dispositif qui tend à étouffer toute subjectivité, la liberté carcérale a pour clé de voûte la profanation. Dans son livre, Jérôme Englebert écrit : « Il s'agit, progressivement, de reprendre au dispositif ce qui appartient à l'homme ; la profanation est une restitution du corps, de l'espace, du temps... de l'identité. » Et il ajoute : « (…) en prison, même si elle n'est peut-être pas évidente, la liberté se cache. Il existe toujours la possibilité d'une faille, en toutes circonstances, même les plus extrêmes. » Aussi, face aux difficultés psychologiques ou aux pathologies psychiatriques de certains détenus, juge-t-il indispensable d'aborder avec eux la question de la résistance à l'implacable « machinerie d'assujettissement » afin de les aider à se réapproprier une part de liberté. |
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