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Ceci n’est pas une fédération
27/11/2013

Cette perméabilité est aussi constatée au sein des entités fédérées. La multiplication d’assemblées directement élues (de 2 – la Chambre et le Sénat– à 6 actuellement) due au processus de fédéralisation a modifié la trajectoire des carrières des représentants politiques, soulignent Jean-Benoit Pilet (ULB) et Stefaan Fiers (KULeuven) dans leur analyse des carrières des parlementaires en Belgique. S’il fut un temps où le fédéral pouvait être considéré comme l’apogée d’un parcours politique, celui-ci semble désormais en partie révolu. La Belgique s’inscrirait aujourd’hui dans un modèle de constitution d’élites parlementaires fédérales et régionales distinctes. Avec très peu de passages d’un niveau à l’autre. « Seule une minorité de députés régionaux passent au Sénat ou à la Chambre des représentants, et seule une petite frange de députés fédéraux et de sénateurs s’en vont vers les parlements régionaux », constatent-ils.

Ajoutant, par contre, qu’il n’est pas rare que des élus soient placés sur des listes électorales qui ne relèvent pas de leur niveau de pouvoir et qui se retrouvent soit loin des positions éligibles, soit peu enclins à réellement exercer leur mandat s’ils sont plébiscités par les citoyens. Le manque de réglementation en la matière entretient le flou dans l’esprit des élus mais aussi des électeurs, frustrés d’avoir voté pour une personne qui ne siégera finalement pas. Les deux auteurs soulignent par ailleurs qu’un système fédéral doit trouver un juste équilibre entre autonomie et coordination, entre intérêts communs et particuliers. La mobilité des hommes politiques y participe justement. « En effet, en siégeant dans une assemblée, l’élu apprend à discerner les intérêts de l’entité qu’il représente et tisse des liens avec les autres parlementaires de ce niveau de pouvoir. Ces deux acquis sont emportés avec lui lorsqu’il est élu à un autre niveau de pouvoir, ce qui met de l’huile dans le rouage du fédéralisme », écrivent-ils. En l’absence de cette huile, pas étonnant que les rouages grincent si fréquemment…

Face cachée

Mais finalement, que peut bien penser la population de ces grincements à répétition ? Les revendications politiques collent-elles à celles du peuple ? Pas toujours, si l’on en croit l’analyse effectuée par André-Paul Frognier et Lieven De Winter (UCL), sur base d’enquêtes d’opinion réalisées de 1970 à 2007. Dans le dernier chapitre de l’ouvrage, ils pointent que l’instauration du fédéralisme en Belgique ne correspondait pas seulement aux vœux des Flamands, mais aussi de nombreux Wallons. Etonnamment, ce fédéralisme ne pousserait pas les populations à devenir moins belges et plus flamandes, bruxelloises ou wallonnes. « Dans les trois Régions, la position "belgicaine" vient en tête et dans des proportions qui ne diffèrent pas tellement par Région », précisent les deux auteurs. Qui, dans leur conclusion, dévoilent « une des faces (cachées) de la politique belge » en comparant les aspirations des populations et celles des élites. De cette confrontation résulterait un « "déficit démocratique" au sens où la partie pro-belge de la population flamande ne peut trouver de parti significatif prêt à présenter et à défendre cette conception du fédéralisme belge. »

Cela ne freinera sans doute pas l’évolution du fédéralisme dans le futur. L’avenir se présentera-t-il même sous la forme du confédéralisme, pour reprendre un vocable fréquemment et stratégiquement utilisé par certains partis flamands ? Les élections de mai 2014 devraient éclairer la politique nationale d’un jour nouveau. Si cette piste se concrétise, il s’agirait de nouveau d’une première du genre au niveau mondial. Car les exemples de confédérations résultent d’une union entre États indépendants et souverains conservant cette souveraineté. Soit une union issue de forces centripètes. Et non centrifuges, comme en Belgique. Politiquement parlant, notre plat pays est décidément bien atypique…

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