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Ceci n’est pas une fédération
27/11/2013

Bruxelles, une capitale disputée

Bruxelles symbolise particulièrement cette asymétrie. « Une petite Belgique inversée, écrit Min Reuchamps, professeur de science politique à l’UCL, dans son chapitre sur les structures institutionnelles du fédéralisme belge. Les institutions bruxelloises sont bipolaires, asymétriques et évolutives, mais selon une proportion différente, une majorité de francophones cohabitant avec une minorité de néerlandophones. »

La capitale cristallise depuis longtemps les désaccords entre le nord et le sud du pays. Ce n’est point un hasard s’il fallut 18 ans de négociations avant qu’elle ne soit, en 1989, considérée comme une région à part entière. Elle reste aujourd’hui une ville disputée, les Flamands redoutant une « tache d’huile » francophone sur leur territoire, les francophones ne souhaitant pas partager davantage une gestion qu’ils préféreraient assumer en grande partie seuls. Plutôt que d’envisager l’élargissement de Bruxelles, les partis au pouvoir ont préféré l’option d’une « communauté métropolitaine », décidée dans le cadre de la sixième réforme de l’État. Celle-ci doit assurer la collaboration entre la capitale et sa périphérie autour de sujets d’intérêt interrégional (emploi, mobilité, aménagement du territoire…)

Une nouvelle singularité dans un système politique qui n’en manquait déjà pas… Ainsi, contrairement aux autres fédérations existant dans le monde, la Belgique est la seule à ne plus disposer de partis nationaux et unitaires, à l’exception d’Écolo et de Groen, qui constituent toujours un groupe politique commun. Pas plus que le pays ne comporte encore de médias nationaux. Chaque région possède ses propres canaux d’information, comme le rappellent les politologues Régis Dandoy (ULB), Dave Sinardet (VUB) et Jonas Lefevre (Universiteit Antwerpen) dans leur chapitre dédié à l’analyse de la couverture médiatique de la campagne en vue des élections régionales et européennes de juin 2009. Sans surprise, ils concluent que les journaux de chaque communauté linguistique couvrent de manière plus abondante les partis et personnalités politiques appartenant à leur propre communauté. Si différences de traitement il y a, elles ne sont pas à chercher du côté de l’appartenance linguistique des médias mais plutôt du côté de leurs lignes éditoriales, tantôt « de qualité » ou « tabloïde ».

Néanmoins, ces dernières années, certaines tentatives médiatiques de meilleure compréhension de l’autre communauté ont été mises en place. Tribunes d’hommes politiques francophones dans la presse flamande et vice-versa, journalistes francophones passant la frontière linguistique, rubriques « vu de Flandre », collaborations rédactionnelles entre quotidiens… « De nombreuses tentatives vont en ce sens, confirme Geoffroy Matagne. Mais la question est : s’agit-il d’une simple prise de conscience d’un ‘problème’ par certains médias ou d’une tendance lourde susceptible de provoquer un changement durable ? »

Perméabilité

Si les mondes médiatiques évoluent de manière scindée, il en va de même des élites politiques. Non seulement parce que l’hypothèse d’une circonscription fédérale, parfois avancée, ne s’est jamais concrétisée, mais aussi parce que les négociations visant à mettre en place une majorité gouvernementale au niveau fédéral restent quasiment la seule occasion pour l’ensemble des hommes politiques, toutes appartenances linguistiques confondues, d’entamer des discussions (exception faite de la collaboration au sein du gouvernement fédéral ou au Parlement).

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