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Ceci n’est pas une fédération
27/11/2013

Les auteurs eurent l’idée de rédiger cet ouvrage dès 2008. « Nous nous étions dits que nous attendrions la fin de la crise pour publier, raconte Geoffroy Matagne. Mais elle a fini par durer 541 jours… Tous les six mois, nous nous demandions si nous nous donnions le temps d’attendre la mise en place d’un accord de gouvernement ou pas ! » Ils patientèrent finalement jusqu’au 6 décembre 2011, date du début du gouvernement Di Rupo. Les différents chapitres incluent dès lors également certains éléments relatifs à la sixième réforme de l’État encore largement en préparation.

La sixième et la dernière ? Impossible, bien sûr, de prédire l’avenir. Les résultats des urnes sont impénétrables. Même si l’on peut aisément imaginer que cette nouvelle modification de la Constitution n’effacera pas les doléances de part et d’autre de la frontière linguistique. « On avance chaque fois un peu plus, indique le politologue. Par exemple, lorsqu’on regarde le premier programme de la Volksunie, toutes les revendications qui y figuraient ont été réalisées. L’appétit vient en mangeant. Reste à savoir si, à un moment, survient la satiété… »

De la révolution à l’institutionnalisation

Le temps passe, les revendications restent. Même si elles évoluent. Au départ, les réclamations des Flamands visaient à protéger une langue qu’ils jugeaient en danger et à conquérir des leviers de pouvoir dans des structures institutionnelles à l’intérieur desquelles ils s’estimaient dominés par la bourgeoisie francophone. Typique des décennies 60 à 80, cette période est qualifiée de révolutionnaire par les auteurs. En 1993, la Belgique est devenue un État fédéral. Une étape qui a consacré le passage à une période de conflit institutionnalisé. Les discours revendicateurs qui émanaient autrefois principalement de l’extérieur de la sphère politique institutionnelle et traditionnelle (mouvements sociaux, associations culturelles ou économiques, éditorialistes, groupes en marge des partis de gouvernement…) y sont désormais intégrés. Les partis sont devenus les principaux porte-voix des réclamations et en font écho dans leurs programmes respectifs. Les questions linguistiques ou d’autonomie ont largement cédé leur place à celles touchant à la répartition des compétences, la bonne gouvernance, la subsidiarité et l’efficacité dans un contexte socio-économique sub-national.
 
bagarreLa satisfaction procurée lorsqu’une épine est définitivement enlevée du pied communautaire – comme celle de BHV – est de courte durée. D’autres finissent par émerger. « Il y a des points de rupture récurrents, note Geoffroy Matagne. Comme la sécurité sociale, la solidarité interpersonnelle, la question de Bruxelles ou l’Europe. » La dynamique politique, elle, reste essentiellement identique : les Flamands souhaitent de nouvelles avancées, tandis que les Francophones, s’affirmant comme n’étant « demandeurs de rien », finissent par accepter la nécessité d’une réforme mais veulent en limiter les contours. L’accord finalement trouvé s’emploie ensuite à faire en sorte qu’aucun gagnant ou perdant ne puisse être clairement identifié. La recette du fameux compromis à la belge.

Bref, le fédéralisme belge est dualiste (il oppose deux communautés et deux visions antagonistes du vivre ensemble), dynamique (en perpétuelle évolution et ne résultant pas d’un choix délibéré) et centrifuge (il ne résulte pas de la volonté de deux entités de se regrouper mais bien d’un désir d’émancipation). Il a entraîné une fédération bipolaire (tant au niveau des structures institutionnelles de l’État fédéral que du système des entités fédérées), évolutive (une réforme de l’Etat intervient en moyenne tous les 7 ans) et asymétrique (les structures institutionnelles au nord, au sud, au centre et à l’est du pays diffèrent).

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