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Miroir, mon beau miroir…
02/10/2013

Une maturation tardive

La méthode est connue depuis longtemps, semble être simple, et présente le magnifique avantage d’être bon marché. « A titre de comparaison, illustre François Finet, le projet de l’ILMT, dont le miroir primaire fera 4 mètres de diamètre coûtera 20 à 50 fois moins cher que la construction et l’entretien d’un télescope classique de même taille. » A ce prix accessible, un télescope peut donc être construit et optimisé en vue d'une application scientifique particulière et ce durant plusieurs années, là où les temps d’observation à l’aide de télescopes classiques sont hors de prix et disputés par plusieurs équipes de chercheurs de par le monde.

Pourtant, les premiers tests de cette technologie ne remontent qu’au début des années 1980, et c’est en grande partie aux recherches combinées de Paul Hickson à Vancouver (également lecteur de la thèse de François Finet) et d’Ermanno Borra à l’Université Laval au Québec, que l’on doit sa maturation.

Jusqu’alors, cette technologie présentait des limites de taille. Tout d’abord, la technologie du capteur au foyer du télescope. Le miroir, pour acquérir sa forme parabolique utilise la gravité locale et ne peut donc pointer que fixement au Zénith. Il n'est donc pas possible de pointer dans une direction donnée et de suivre un objet à mesure qu'il se déplace dans le ciel à cause de la rotation de la terre, tel que cela se fait avec un télescope de technologie traditionnelle.
A cause de la rotation de la terre, la région du ciel accessible au Zénith change constamment. Afin de pouvoir imager le ciel défilant au Zénith, il a fallu attendre l'avènement de la caméra CCD, apparue au début des années 1980, permettant de suivre électroniquement les objets défilant au Zénith. Grâce au suivi électronique de la caméra CCD et à la rotation de la terre, le télescope a donc accès à une bande de ciel qu'il image nuit après nuit.

D’autres limites étaient dues au caractère liquide du miroir. « Toute vibration ou perturbation transmises au bol tournant se traduisent par la propagation d'ondelettes à la surface du liquide, qui vont diffuser la lumière réfléchie par le miroir et dégrader la qualité de l'image formée par le télescope, développe le chercheur. Un peu comme des coups ou des griffes dans un miroir. La lumière réfléchie va donc être plus ou moins diffusée en fonction de la qualité du miroir, et affecter la qualité de l'image, qui apparaîtra floue.» 

Plusieurs causes peuvent déclencher ces ondelettes. Il y a d’abord les phénomènes dits transitoires. « Quelqu’un qui va tomber et se cogner contre le plateau, par exemple, plaisante l’astrophysicien. Ou une mouche qui va se poser sur le mercure. » Mais il y a également d’autres phénomènes stationnaires plus embêtants. « Cela peut-être des vibrations transmises par le système assurant la rotation ou un manque de stabilité de la vitesse de rotation. En réalité, on ne peut s’autoriser qu’une variation relative de la période de l’ordre de 10-6. » Par exemple, la période du ILMT est de 8 secondes. Une rotation ne pourra pas varier de plus de 8 microsecondes, ce qui demande une belle précision. Il a donc fallu attendre l'avènement de systèmes permettant une rotation très stable et sans transmission de vibrations. Pour éviter ces vibrations, la partie tournante du moteur est maintenue en suspension dans un palier à air sous pression.

Un autre type d'ondelettes peuvent également affecter la qualité du miroir : des ondelettes en spirale. Celles-ci sont induites par une instabilité due à la vitesse relative trop grande entre le mercure et l’air en contact avec sa surface. « C’est un problème qui concerne davantage l’extrémité de la parabole, vu qu’elle se déplace plus rapidement que son centre. Le mercure tourne avec le plateau et est en mouvement par rapport à l’air qui se trouve juste au-dessus. Si la vitesse du mercure (relativement à l'air) est trop importante, des zones de turbulences vont être générées dans l'air, qui vont à leur tour impacter sur la forme de la surface de mercure et donc détériorer la qualité du miroir. » Ces turbulences pourraient être un facteur limitatif pour la construction de miroirs primaires de très grand diamètre.

Il va également sans dire qu’un télescope à miroir liquide doit être placé dans un environnement stable et calme. En Inde, le télescope sera assemblé au milieu des montagnes, à plus de 2400 mètres d’altitude.

C’est à cause de cette série de problèmes technologiques (le besoin d'un système de rotation stable et la possibilité de suivre électroniquement les objets défilant dans le ciel) que les télescopes à miroir liquide, ont par le passé été écartés de la course aux étoiles. Mais ils gagnent en intérêt depuis une trentaine d’années, et, particulièrement en raison de leur faible coût, sont de parfaits candidats pour assurer des recherches complémentaires à celles effectuées à l’aide de télescopes classiques. C’est dans ce contexte que François Finet a participé à l’élaboration de l’ILMT.

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