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L’inconscience de soi
14/08/2013

Anosognosie1Sur le plan comportemental, il apparut que les scores d'anosognosie étaient significativement « perturbés » chez les patients Alzheimer par rapport à ceux des volontaires sains. Il en était de même des scores de prise de perspective à la troisième personne, cette faculté d'évaluer son propre comportement du point de vue d'une autre personne - exemple : « Pour ma femme, je suis quelqu'un de colérique. » De surcroît, il apparaît que l'altération de la prise de perspective à la troisième personne permettrait d'expliquer en grande partie l'anosognosie portant sur les traits de personnalité chez les patients.

S'appuyant sur ces données, Haroun Jedidi a ensuite établi une corrélation entre l'anosognosie des patients Alzheimer et leur métabolisme cérébral obtenu par TEP. Elle révéla un hypométabolisme au niveau du cortex préfrontal dorsomédial. « Notre étude suggère que ce dernier joue probablement un rôle dans les mécanismes de prise de perspective », commente le neurologue.

Le sosie de ma femme

Il existe un syndrome rare baptisé syndrome de Capgras, où les patients pensent que l'un ou plusieurs de leurs proches ont été remplacés par des sosies. Le modèle explicatif le plus répandu de ce syndrome postule que ce dernier est la conséquence d'une incapacité à accéder aux informations émotionnelles liées à un visage. Aussi, lorsqu'ils se trouvent face à un proche, les patients reconnaissent-ils parfaitement son visage, mais ne peuvent accéder aux informations émotionnelles qui devraient être associées à l'identification d'un être cher. Ceci permet d'expliquer l'apparition du délire puisque les patients, percevant le visage d'un proche mais n'éprouvant plus rien pour lui, arrivent à la conclusion singulière qu'ils ont, devant eux, non un proche mais son sosie, habituellement perçu comme un imposteur malveillant.

Dans une troisième étude, Haroun Jedidi s'est penché sur le cas d'une patiente Alzheimer présentant un syndrome de Capgras. Son hypothèse était que les régions préfrontales médiales devaient jouer un rôle dans la genèse de ce trouble. Une image structurelle (en IRM) et une image fonctionnelle au repos obtenue par PET furent acquises chez la patiente Alzheimer et comparées à celles enregistrées chez 24 sujets contrôles sains et 26 patients souffrant d'une maladie d'Alzheimer débutante.

« Nous avons pu mettre en évidence l'hypométabolisme d'une région particulière du cortex préfrontal dorsomédial, souligne le chercheur. Sur la base des connaissances actuelles relatives à la reconnaissance des visages, nos résultats semblent apporter de nouveaux arguments en faveur de l'hypothèse selon laquelle le cortex préfrontal dorsomédial remplirait un rôle dans la récupération des informations liées à un visage familier et assurerait une fonction de centre d'intégration des informations liées à un visage et de la représentation d'autrui et de ses intentions. »

Relayant l'hypothèse de plusieurs auteurs, cette étude suggère que le cortex préfrontal dorsomédial constituerait un carrefour d'intégration important pour un ensemble complexe de processus cognitifs impliqués dans la représentation d'autrui, de ses intentions et de ses états mentaux. « Cette région ferait partie intégrante de ce qu'il est convenu d'appeler le cerveau social », conclut Haroun Jedidi.

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