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L’inconscience de soi
14/08/2013

Quoiqu'ils aient été au cœur de nombreux travaux, les mécanismes de l'anosognosie portant sur les troubles cognitifs et mnésiques demeurent encore obscurs et mal connus. N'ayant guère été étudiés, les mécanismes de l'anosognosie relative aux modifications des traits de personnalité sont encore moins bien connus. Or, tout comme la mémoire, la personnalité peut être affectée au cours de la maladie d'Alzheimer. Aussi est-ce à ce dernier type d'anosognosie que s'est intéressé Haroun Jedidi dans sa thèse de doctorat intitulée Mécanismes de l'anosognosie : une étude sémiologique et par imagerie fonctionnelle.

« Une meilleure connaissance des mécanismes neuropsychologiques et des corrélats anatomiques (en termes de dysfonctionnement cérébral) des différents sous-types d'anosognosie permettrait une prise en charge des patients plus ciblée et mieux adaptée », explique le neurologue.

Perspective à la troisième personne

Une première étude fut réalisée au Centre de Recherches du Cyclotron (CRC) en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Principaux auteurs : Haroun Jedidi et Arnaud D'Argembeau, neuropsychologue et chercheur qualifié F.R.S.-FNRS. Vingt-trois sujets jeunes devaient émettre un jugement quant à leurs propres traits de personnalité. « Nous avons présenté à ces volontaires une série d'adjectifs descriptifs, indique Haroun Jedidi. Durant l'acquisition en IRMf, les sujets devaient juger à quel point ces adjectifs les décrivaient ou non. Juste après l'acquisition fonctionnelle, ils devaient à nouveau procéder à la même évaluation, mais aussi préciser leur degré de certitude par rapport au fait d'avoir ou non ce trait de caractère et indiquer à quel point il était important pour eux de le posséder ou non. »

Les résultats de cette étude tendent à suggérer que l'activité du cortex préfrontal dorsomédial est corrélée avec une évaluation cognitive des traits de personnalité, c'est-à-dire avec la certitude de posséder ou non tel trait de personnalité, et que le cortex préfrontal ventromédial semble intervenir dans une évaluation plus émotionnelle - l'importance pour le sujet d'être titulaire ou non d'un trait de personnalité donné.

Fort de ces résultats, Haroun Jedidi s'est alors intéressé à l'anosognosie portant sur les modifications des traits de personnalité chez les patients Alzheimer.

On considère généralement que ce type d'anosognosie s'explique en partie par un déficit de réactualisation des représentations de soi (informations autobiographiques). De ce fait, le sujet ne se rend plus compte de l'évolution de ses traits de personnalité. On sait par ailleurs que le cortex préfrontal dorsomédial joue un rôle intégrateur dans beaucoup de processus cognitifs de haut niveau, en particulier ceux dévolus à la représentation de soi et à la reconnaissance des visages.

Un groupe de 37 patients souffrant d'une maladie d'Alzheimer débutante et un autre composé de 25 sujets âgés sains ont été soumis à un enregistrement de leur activité cérébrale au repos au moyen de la tomographie par émission de positons (TEP). Ensuite, ils furent invités à répondre à un questionnaire de personnalité comportant 40 items. Il leur appartenait d'évaluer chaque proposition sur une échelle allant de 1 à 4 (1 : « Je ne suis pas du tout distrait », 2 : « Un peu distrait », 3 : « Fort », 4 : « Extrêmement »). Les participants devaient en outre pratiquer cet exercice à deux reprises, la première en se référant à leur personnalité actuelle ; la seconde, à celle qui les caractérisait dix ans auparavant. D'autre part, un proche de chaque volontaire était appelé à s'exprimer, dans les mêmes conditions, sur la personnalité du participant qu'il accompagnait. Une série de scores différentiels ont alors été établis grâce à ces données.

Anosognosie

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