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Un vaccin contre la maladie associée à la migration du virus des gnous
03/07/2013

Une histoire de (gros) sous

Reste à savoir si cette immunisation pourra un jour protéger les troupeaux des éleveurs Massaï. « Pour en arriver là, il faudrait trouver une firme pharmaceutique qui accepterait de financer l’enregistrement et la production du vaccin. Le problème, c’est que les personnes susceptibles d’acheter ce vaccin vivent dans des régions précarisées. Or il est déjà difficile de mettre au point un traitement contre la malaria en grande partie pour ces mêmes raisons. Le coût-bénéfice ne sera sans doute pas suffisant pour justifier une commercialisation. Des organisations gouvernementales décideront peut-être d’assumer le financement. Par contre, les éleveurs d’Afrique australe pratiquant le « game faming » pourraient être intéressés par la commercialisation d’un tel vaccin. Mais ceci reste à l’étude… »

L’étude liégeoise est loin d’être vaine pour autant. L’AlHV-1 fait partie des gamma herpèsvirus, une famille qui abrite certains virus pouvant s’attaquer à l’homme, comme celui du sarcome de Kaposi (un cancer qui provoque des tumeurs cutanées et qui se développe principalement chez les personnes porteuses du HIV) ou celui d’Epstein-Barr (responsable de la mononucléose infectieuse). Tous possèdent une même caractéristique : l’induction de lymphomes.  « Ils partagent beaucoup de gènes et sont très proches au niveau de leur génome. On pourrait par conséquent tenter d’établir des parallélismes entre ce que l’on observe chez l’animal et chez l’homme. »

Des points communs pourraient de plus être trouvés avec l’herpèsvirus ovin 2 (OvHV 2), un autre cousin germain présent cette fois chez le mouton et qui provoque la fièvre catarrhale maligne chez les bovins et autres ruminants, en particulier chez les bisons aux États-Unis. « Ils sont tellement proches que l’on pourrait imaginer que le vaccin puisse aussi fonctionner dans ce cas », poursuit Benjamin Dewals, qui a déjà noué des contacts sur ce sujet avec le docteur Hong Li, de l’Université de l’état de Washington. 

Il faudra par ailleurs s’assurer qu’un éventuel vaccin ne déclencherait pas plus de problèmes qu’il n’en résoudrait. En permettant par exemple un accroissement démesuré des bovins des Massaï, ce qui empièterait sur l’écosystème des gnous. « Mais je ne le crois pas, avance le chercheur. Je pense que cela permettrait simplement une meilleure valorisation de leur bétail. Ce qui est important non seulement pour le commerce de la viande et du lait, mais également au niveau social, car posséder un cheptel est essentiel pour ces populations pastorales. »
Gnous
Enfin, il ne faut pas oublier que la situation actuelle confère au gnou un double avantage. Non seulement l’AlHV-1 répand la mort autour de lui et « élimine » les compétiteurs qui visent la même denrée rare, l’herbe ; mais il fournit également des proies faciles aux grands carnivores, qui finissent par se désintéresser du troupeau migrateur. D’autant que la fièvre catarrhale maligne ne laisse pas le temps de maigrir à ceux qui la contractent. Voilà dès lors un repas bien gras servi aux lions, hyènes et léopards sans que ceux-ci ne doivent nullement se fatiguer. L’herpèsvirus alcélaphin 1 est décidément un bien drôle d’oiseau…

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