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L’e-commerce n’est pas le nouvel eldorado
20/06/2013

Ce serait plutôt du côté des entrepreneurs qu’il faudrait chercher un manque d’ardeur. En 2012, on répertoriait chez nous 6.000 boutiques virtuelles, avec une croissance de 5 nouveaux sites par jour. Insuffisant. « Le retard belge ne se manifeste pas au niveau des achats mais bien au regard du nombre de marchands, confirme Damien Jacob. Selon des statistiques de l’AWT, 9% des PME vendent sur le net. Un chiffre qui englobe les commandes passées par e-mail, notamment dans un contexte BtoB  (business to business, NDLR). Si l’on ne comptabilise que les sites qui permettent un achat complètement en ligne, on tombe à 3%. On constate clairement un déficit d’offres ».

Cette frilosité entrepreneuriale s’expliquerait en partie par la densité commerciale belge : difficile d’arpenter une rue sans y découvrir un magasin. Et difficile, du coup, d’apporter une diversification ou de répondre à un besoin qui n’est déjà comblé par les concurrents présents « en dur ». Puis les sites noir-jaune-rouge auraient tendance à rester cloîtrés sur leur terrain de jeu national. « Or vu la petite taille du pays, il devient très compliqué de se lancer si l’on se contente du marché belge francophone. Pour atteindre une taille critique, il faut au moins se tourner vers la France ou d’autres pays francophones, voire au-delà. Pourtant, les e-commerçants wallons qui exportent (certains à plus de 80%) s’en sortent bien. C’est finalement assez paradoxal : l’économie belge est habituellement très portée sur l’exportation, mais en matière de commerce électronique on importe davantage que l’on exporte. »

Car pendant que le Belge cultive son complexe d’infériorité, les géants internationaux grappillent petit à petit leur part du gâteau et compliquent l’émergence de plus petits joueurs. L’Allemand Zalando fut notamment le dernier mastodonte à tenter de s’imposer dans le secteur de l’habillement à coups de coûteux spots publicitaires et d’un service client particulièrement soigné.

Rentabilité, où es-tu ?

Encore faudrait-il que ce gâteau se révèle financièrement appétissant. Derrière l’alléchante croissance à deux chiffres du secteur et un nombre d’acheteurs qui ne cesse de croître, la rentabilité n’est en effet pas toujours (encore ?) systématiquement au rendez-vous. Et ce mal ne touche pas uniquement les petites entreprises. Toutes les grandes enseignes ne se ruent d’ailleurs pas vers ce nouveau type d’activité. Ikea en Belgique, par exemple, ne vend pas directement sur son site (alors qu’il le fait dans d’autres pays). Le géant de l’ameublement attend probablement que la concurrence se montre plus agressive sur ce terrain.   L’auteur souligne par exemple qu’Amazon ne doit ses bilans positifs qu’à sa division « services » (qui met à disposition de tiers sa plateforme transactionnelle) et non à son activité historique de ventes de biens culturels.  En France, sur un nombre estimé en 2012 de 117.000 enseignes dématérialisées, les 2/3 enregistreraient moins de trois transactions par jour ! Et seules 6.000 pourraient se targuer de plus de 30 ventes quotidiennes. Bien moins que dans un magasin traditionnel.

« L’e-commerce n’est pas le nouvel eldorado », répète Damien Jacob. Qui s’attend à constater de multiples cessations d’activités d’ici les prochains mois ou années pour cause de concurrence accrue voire déloyale. Le ticket d’entrée étant relativement peu coûteux par rapport à une activité « classique » (pas besoin d’investir dans les locaux, moins de personnel, généralisation du modèle de boutiques louables à distance, etc.), beaucoup se seraient lancés sans avoir les reins suffisamment solides ou sans avoir mis au point un business model tenant la route. Puis en matière d’activités marchandes sur le web, plus qu’ailleurs, les modes changent rapidement et les vedettes d’aujourd’hui seront probablement chassées par celles de demain, comme d’autres avant elles…

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