Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Dyslexie : panne de décodeur et de séquenceur
30/04/2013

Une lecture fluide, experte, est sous-tendue par des capacités cognitives bien déterminées, en particulier dans le domaine du traitement des sons de la parole, mais aussi, nous allons le voir, dans le traitement de l'ordre des phonèmes (séquentialité). Il s'agit cependant d'une condition nécessaire, mais non suffisante. Car si ces capacités sont déficientes chez l'enfant dyslexique, elles ne le sont pas chez ceux qu'il est convenu d'appeler de « mauvais lecteurs ». « Chez eux, en effet, ces difficultés de base sont absentes, explique Martine Poncelet. Ainsi, leurs représentations des sons de la parole sont normales. Le bât a blessé ailleurs. Tantôt ils n'ont pas bénéficié de bonnes méthodes d'apprentissage ou du soutien nécessaire, tantôt ils souffraient de troubles de l'attention, tantôt encore ils ont manqué de motivation. »

La conscience phonologique

La psychologue de l'ULg précise qu'établir la distinction, à l'âge adulte, entre des dyslexiques et de mauvais lecteurs est parfois malaisé. Pourquoi ? Parce qu'une bonne expérience de la lecture influe sur la représentation des sons. Il n'est d'ailleurs pas rare de rencontrer des personnes qui disent : « Quand j'entends un mot, je le vois sous sa forme écrite » ou « Quand j'entends un mot que je ne connais pas, j'essaie de l'imaginer de manière écrite ». Si les représentations phonologiques influencent l'orthographe, l'orthographe influence aussi les représentations phonologiques. « À terme, le niveau d'appréhension des sons de la langue ne sera pas le même chez quelqu'un qui a appris à lire et chez quelqu'un qui ne l'a pas fait alors qu'il disposait des prérequis voulus », dit Martine Poncelet. À l'âge adulte, le diagnostic différentiel est difficile à poser et nécessite le recours à une batterie de tests idoines, tout devenant en fait une question d'évaluation du degré de déficit dans le décodage des graphèmes. Le problème est d'autant plus ardu que l'arbre peut cacher la forêt : ainsi, un dyslexique de niveau universitaire qui a bénéficié d'une prise en charge adéquate dès l'enfance lira souvent bien mieux qu'un mauvais lecteur.

Il existe plusieurs théories de la dyslexie, mais la plus solide est de loin la théorie phonologique. Centrées respectivement sur l'audition, la vision et la motricité, les autres approches prêtent le flanc à la critique et, in fine, semblent bâties sur des sables mouvants.

D'après la théorie phonologique, le déficit dans le processus de décodage, c’est-à-dire dans l’aptitude à établir la correspondance entre graphèmes (lettres) et phonèmes (sons) qui caractérise le dyslexique est directement dû au fait que ses représentations des sons de la parole (ou représentations phonologiques) ne sont pas suffisamment fines ou détaillées. Il s’ensuit qu’il pâtit également d'une mauvaise « conscience phonologique » : il ne parvient pas ou parvient beaucoup plus lentement qu'un enfant normal à scinder les mots en leurs différentes parties, à les segmenter en syllabes et, plus encore, en phonèmes. Il aura peine à percevoir que « cahier » est composé de deux syllabes (ca-hier) et, surtout, de quatre phonèmes (k-a-i-é).

Un déficit de la mémoire phonologique à court terme, système responsable du stockage temporaire des informations verbales, a aussi été très fréquemment mis en évidence chez les dyslexiques. La preuve en est qu'ils éprouvent beaucoup plus de difficultés que les autres enfants à répéter des pseudo-mots, des mots comportant un nombre assez important de syllabes ou des suites de chiffres d'une certaine longueur. « Les résultats obtenus dans ce type de tâches avant l'entrée à l'école primaire sont prédictifs du niveau de lecture de l'enfant quelques années plus tard, fait remarquer Martine Poncelet. L'application systématique de telles tâches faciliterait le dépistage de dyslexies potentielles. »

Le bon ordre

Dans un article publié en novembre 2010 dans le Journal of Cognitive Neuroscience, Steve Majerus, chercheur F.R.S.-FNRS travaillant au département de psychologie, cognition & comportement de l'ULg, montrait que, contrairement à l'idée communément admise, la mémoire à court terme verbale ne serait pas une entité spécifique dotée d'une existence propre (lire l’article La mémoire à court terme revisitée). Elle s'assimilerait plutôt à une fonction de maintien de l'information verbale, qui émanerait de l'interaction de trois systèmes plus généraux : le système langagier (en particulier, la mémoire à long terme verbale), le contrôle attentionnel et le système de traitement de l'« ordre sériel » (séquentialité).

Test evaluation

Page : précédente 1 2 3 4 suivante

 


© 2007 ULi�ge