Dyslexie : panne de décodeur et de séquenceur
Une lecture fluide, experte, est sous-tendue par des capacités cognitives bien déterminées, en particulier dans le domaine du traitement des sons de la parole, mais aussi, nous allons le voir, dans le traitement de l'ordre des phonèmes (séquentialité). Il s'agit cependant d'une condition nécessaire, mais non suffisante. Car si ces capacités sont déficientes chez l'enfant dyslexique, elles ne le sont pas chez ceux qu'il est convenu d'appeler de « mauvais lecteurs ». « Chez eux, en effet, ces difficultés de base sont absentes, explique Martine Poncelet. Ainsi, leurs représentations des sons de la parole sont normales. Le bât a blessé ailleurs. Tantôt ils n'ont pas bénéficié de bonnes méthodes d'apprentissage ou du soutien nécessaire, tantôt ils souffraient de troubles de l'attention, tantôt encore ils ont manqué de motivation. » La conscience phonologiqueLa psychologue de l'ULg précise qu'établir la distinction, à l'âge adulte, entre des dyslexiques et de mauvais lecteurs est parfois malaisé. Pourquoi ? Parce qu'une bonne expérience de la lecture influe sur la représentation des sons. Il n'est d'ailleurs pas rare de rencontrer des personnes qui disent : « Quand j'entends un mot, je le vois sous sa forme écrite » ou « Quand j'entends un mot que je ne connais pas, j'essaie de l'imaginer de manière écrite ». Si les représentations phonologiques influencent l'orthographe, l'orthographe influence aussi les représentations phonologiques. « À terme, le niveau d'appréhension des sons de la langue ne sera pas le même chez quelqu'un qui a appris à lire et chez quelqu'un qui ne l'a pas fait alors qu'il disposait des prérequis voulus », dit Martine Poncelet. À l'âge adulte, le diagnostic différentiel est difficile à poser et nécessite le recours à une batterie de tests idoines, tout devenant en fait une question d'évaluation du degré de déficit dans le décodage des graphèmes. Le problème est d'autant plus ardu que l'arbre peut cacher la forêt : ainsi, un dyslexique de niveau universitaire qui a bénéficié d'une prise en charge adéquate dès l'enfance lira souvent bien mieux qu'un mauvais lecteur. Il existe plusieurs théories de la dyslexie, mais la plus solide est de loin la théorie phonologique. Centrées respectivement sur l'audition, la vision et la motricité, les autres approches prêtent le flanc à la critique et, in fine, semblent bâties sur des sables mouvants. Le bon ordreDans un article publié en novembre 2010 dans le Journal of Cognitive Neuroscience, Steve Majerus, chercheur F.R.S.-FNRS travaillant au département de psychologie, cognition & comportement de l'ULg, montrait que, contrairement à l'idée communément admise, la mémoire à court terme verbale ne serait pas une entité spécifique dotée d'une existence propre (lire l’article La mémoire à court terme revisitée). Elle s'assimilerait plutôt à une fonction de maintien de l'information verbale, qui émanerait de l'interaction de trois systèmes plus généraux : le système langagier (en particulier, la mémoire à long terme verbale), le contrôle attentionnel et le système de traitement de l'« ordre sériel » (séquentialité). |
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