Une histoire du goût
Naissance de la gastronomieUne autre révolution significative concerne les pratiques alimentaires, qui se retrouvent métamorphosées en ce début de XVIIIe siècle. Terminées, les tambouilles ultra épicées (les épices étant un signe de richesse au Moyen Âge). Aux oubliettes, les plats aux saveurs aigres-douces. Désormais, la « cuisine moderne », comme on l’appelle alors, distingue le sucré du salé, utilise des herbes aromatiques, privilégie les fruits et les légumes, invente les fonds de sauce. Liés au beurre ou à la farine. Qu’importe, pourvu que cela soit raffiné ! L’alimentation devient un art traversé par les modes, qu’il faut suivre pour rester dans le coup. Celui qui loupe le coche sera perçu comme appartenant à un rang social inférieur. Les cuisiniers se mettent à défendre le « vray goust » et entendent préserver la saveur de chaque aliment. Les livres de recettes célébrant cette « nouvelle cuisine » se multiplient, de plus en plus préfacés par des écrivains contemporains et non plus seulement par les chefs eux-mêmes ou par leurs libraires. La cuisine devient un genre littéraire digne d’intérêt. Les prémisses de la célèbre gastronomie française étaient nées… Le goût trouve petit à petit ses lettres de noblesse. « Dès qu’il devient un sujet valorisé, tous les auteurs s’en mêlent ! Montesquieu, Voltaire, Diderot, etc. » Une évolution qui, selon Viktoria von Hoffmann, serait le symptôme d’une individualisation toujours plus forte de la société. « Profite-t-il – ou participe-t-il ?– du développement de la société de consommation […], où la recherche du bonheur personnel devient une valeur sociale ? », s’interroge-t-elle. L’absence de distance de ce sens de contact, son intimité tant décriée alors deviendra son nouveau point fort. Si la culture traditionnelle du XVIIe siècle privilégiait le communautaire, la nouvelle ère qui s’annonce dès le siècle suivant renforce la singularité du sujet. « Le goût est donc célébré pour les raisons mêmes qui ont conduit autrefois à sa mise aux périphéries », résume l’auteure dans sa conclusion. Page : précédente 1 2 3 4
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