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Les jeunes, la dépression... et le syndrome du Titanic
26/03/2013

moqueries-adosPourtant, les mots font mal. Le jeune régulièrement agressé verbalement présente aussi le risque de devenir la brebis galeuse, celui que l'on exclut. "L'une des tâches de l'adolescence consiste à apprendre à vivre en groupe : si le jeune aime l'école, c'est pour les copains qu'il s'y fait. Il est vital, pour lui, d'appartenir à un groupe. Lorsqu'il en est exclu, il est également privé des compétences à acquérir à travers ce groupe et des questions, des remises en questions, des sentiments de doutes auxquels les autres sont confrontés", détaille la psychologue.

Elle remarque également qu'à côté des victimes de harcèlement, les "bourreaux" peuvent, aussi, ne pas aller bien. Ainsi, certains d'entre eux ont eux-mêmes été harcelés (ou ont vécu de l'agressivité au sein de leur famille), ce qui les a conduit à développer une ligne de développement fondée sur un fonctionnement agressif... "Chez les filles, en particulier, tant les parents que les professeurs ne vont sans doute pas associer l'agressivité à la dépression", précise encore la clinicienne, qui pointe ici un des signes auxquels il serait possible d'être davantage vigilant...

L'irritabilité, un feu rouge

En 2011-2012, la deuxième recherche de la psychologue a été consacrée aux "Liens entre l'humeur dépressive et les relations intimes avec le parents et les amis". Dans 11 établissements scolaires, la recherche a impliqué 1496 adolescents, regroupés selon leur âge (12, 14 ou 16 ans). Elle a permis, entre autres, de confirmer que les adolescents exprimaient leurs affects (sentiments) dépressifs par des aspects somatiques (comme des maux de tête ou des maux d'estomac). Au "hit-parade" des signes évocateurs, l'irritabilité occupe également une place marquante. "Alors que, dans l'esprit du grand public, ce signe est rarement connoté à la dépression, il est l'un des critères ou des symptômes les plus annonciateurs que l'on trouve chez les filles", constate Aurore Boulard.

Les filles se montrent cependant plus tristes, plus déprimées (surtout pour les plus âgées d'entre elles) ou sont plus sujettes aux crises de larmes que les garçons. Chez elles, les problèmes dépressifs sont souvent accompagnés de troubles du comportement alimentaire, en particulier vers la quinzaine.

"Au final, quatre items sont davantage  marqués chez les filles et les garçons : se sentir sans énergie, être irritable, douter de sa valeur, se sentir mal dans sa peau. Chez les filles, on peut y ajouter le fait de pleurer facilement et, chez les garçons, d'avoir un problème de concentration", note la psychologue.

Cette deuxième étude a également souligné que l'attachement parental a, certes, une influence sur l'humeur dépressive, mais qu'elle n'intervient pas en tout premier lieu. "En fait, cette influence se manifeste en balance avec les événements de vie, qui occupent une place toute aussi importante, détaille la psychologue. Cet éclairage concernant l'attachement parental pourrait permettre de rassurer certains parents culpabilisés."

En effet, ils se sentent souvent les premiers coupables de ce qu'ils vivent comme un "ratage" éducatif ayant mené leur enfant à la dépression. L'échelle subjective qui a été soumise aux adolescents impliqués dans l'étude a ainsi montré que ceux qui présentaient des scores élevés de dépression estimaient avoir reçu peu de marques de soins, d'affection, d'écoute, d'empathie de parents jugés par ailleurs "contrôlants", parce qu'ils imposent des règles très strictes, empêchent de sortir, lisent le courrier, etc. Néanmoins, il serait erroné d'imaginer que toutes les difficultés surviennent en raison de l'attachement familial, même s'il figure parmi les facteurs de risque. Enfin, une observation importante complète ce bilan du lien entre la dépression et la situation familiale : ce lien est le plus fort non pas quand l'adolescent vit avec un seul de ses parents, mais lorsqu'il habite avec une autre personne que son père ou sa mère.

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