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Mieux comprendre la surdité
22/03/2013

Se repousser pour mieux se connecter

Pour explorer l’idée d’une chemo-répulsion, Jean Defourny et Brigitte Malgrange ont décidé de regarder le patron d’expression de deux types de protéines : les Ephrines et leurs récepteurs Eph. « Il existe une vingtaine d’Ephrines et une dizaine de récepteurs Eph. Nous nous sommes focalisés sur les protéines qui avaient un patron d’expression complémentaire au niveau de l’oreille interne. C’est-à-dire celles pour lesquelles l’Ephrine était exprimée dans les cellules ciliées externes et son récepteur dans les neurones du ganglion spiral de type 1 », indique Brigitte Malgrange. C’est ainsi qu’ils se sont rendus compte que l’Ephrine A5 est exclusivement exprimée dans les cellules ciliées externes alors que le récepteur EphA4 auquel cette protéine se lie est situé spécifiquement dans les neurones de type 1. « Lorsque l’Ephrine A5 se fixe sur le récepteur EphA4, cela engendre la répulsion des prolongements des neurones de type 1 », révèle la chercheuse. Ces résultats publiés dans la revue Nature Communications (1) sont les premiers à démontrer l’existence d’une chemo-répulsion des neurites par les Ephrines au niveau de l’oreille interne.

Les chercheurs ont vérifié leur hypothèse de départ grâce à une série d’expériences et notamment grâce à l’utilisation de souris invalidées pour l’une et l’autre des deux protéines. « Une lignée de souris n’exprimait pas l’Ephrine A5 et l’autre lignée était dépourvue de EphA4. Dans les deux cas notre hypothèse s’est avérée correcte », précise Brigitte Malgrange.

Une piste pour restaurer l’audition

image-confocale-E15.5Encore au stade de recherche fondamentale, cette découverte pourrait néanmoins, à long terme permettre, des applications visant à restaurer l’audition des personnes atteintes de surdité. « Si on comprend comment le développement de la fonction auditive se déroule, on pourrait tenter de restaurer les connexions entres les cellules ciliées et les neurones du ganglion spiral. Suite à nos travaux, on sait maintenant comment il est possible d’empêcher les neurones de type 1 de se connecter aux cellules ciliées externes », explique la directrice de l’Unité de recherche Neurobiologie du développement du GIGA.

Dans un futur proche, Brigitte Malgrange et son équipe aimeraient mieux comprendre ce qui se passe au niveau des connexions cellules ciliées-neurones elles-mêmes. « Ici nous avons montré à une échelle un peu grossière que quand on enlève la protéine Ephrine A5 ou EphA4, la souris présente d’importants troubles de l’audition. Nous aimerions maintenant analyser ce qui se passe directement dans la cellule ciliée interne par rapport à la neurotransmission», précise la scientifique. Lors de la neurotransmission, la cellule ciliée libère un neurotransmetteur, le glutamate, qui va se lier aux récepteurs situés sur les prolongements des neurones. « Nous voudrions voir si l’absence d’Ephrine A5 ou d’Eph4 affecte directement cette neurotransmission », indique Brigitte Malgrange. De plus, cette dernière voudrait également investiguer si d’autres molécules, connues pour avoir des propriétés de répulsion, pourraient également jouer un rôle dans l’établissement des connexions cellules ciliées-neurones du ganglion spiral.

(1) Defourny J, Poirrier AL, Lallemend F, Mateo Sánchez S, Neef J, Vanderhaeghen P, Soriano E, Peuckert C, Kullander K, Fritzsch B, Nguyen L, Moonen G, Moser T, Malgrange B. Ephrin-A5/EphA4 signalling controls specific afferent targeting to cochlear hair cells. Nat Commun 2013 Feb 5.:1438.

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