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Des balles magiques contre le cancer ?
15/03/2013

Visionnaire, le célèbre immunologiste et Prix Nobel de médecine Paul Ehrlich avait déjà imaginé, au tout début du XXè siècle, de faire appel à des  « magic bullets » pour cibler précisément les micro-organismes que l’on voulait soumettre à l’action de « toxines » sans en inonder l’organisme. Il a pourtant encore fallu attendre trois-quarts de siècle avant de voir apparaître les premières recherches sur les liposomes. Qui nous plongent illico dans le futur, direction les nanotechnologies ! Les défis à relever sont en effet redoutables : il faut fabriquer un vecteur adéquat, cibler la cellule malade et protéger le principe actif mais celui-ci doit pouvoir être largué au bon moment sur sa cible !

Ehrlich était déjà bien conscient de la puissance aveugle de certains remèdes administrés par voie générale, qui provoquent des effets toxiques parfois aussi redoutables que le mal qu’ils entendent traiter. Il ne connaissait pourtant pas encore les antibiotiques, qui anéantissent la flore commensale en même temps que les bactéries pathogènes, ni les chimiothérapies anticancéreuses, censées détruire les cellules tumorales mais au prix de nombreux dommages collatéraux.

nanocapsuleLa nouvelle science appelée « nanomédecine » ou « nanopharmacie » cherche à mettre au point des « transporteurs » (que nous appellerons  « vecteurs » pour ne pas paraître ignares) capables d’atteindre spécifiquement un organe malade ou une tumeur et d’y libérer le principe actif qu’ils véhiculent. D’une certaine façon, c’est une étape incontournable pour les progrès futurs : si l’on veut recourir à des molécules de plus en plus toxiques et/ou à des doses de plus en plus fortes, pour vaincre certains cancers, ce ne sera possible qu’en parvenant à les cibler avec précision. Et comme pour les atteindre il faut généralement transiter par la circulation sanguine, l’idéal serait de pouvoir les y faire passer « incognito », et de ne les activer qu’au contact de leur cible.

Une autre voie de recherche qui pourra aussi bénéficier de la nanopharmacie est la thérapie génique, car le matériel génétique tout comme les peptides, les protéines, etc., seraient tout de suite dégradés dans l’organisme si on les injectait sans protection (Notons ici que la thérapie génique utilise aussi des vecteurs viraux, qui ne sont pas envisagés dans le cadre de cet article).

« Le défi que nous devons relever en nanopharmacie est donc double, souligne Géraldine Piel, chef de travaux dans le service de pharmacie galénique de l’Université de Liège : cibler la cellule malade et protéger le principe actif. » Et comme nous allons le voir, c’est plus facile à dire qu’à faire !

Ciblage actif ou passif

Commençons par le ciblage : il peut être actif ou passif. Si la cible est identifiée/identifiable par des caractéristiques biochimiques ou immunologiques, on peut tenter de diriger le principe actif spécifiquement vers elle en mettant à la surface des vecteurs des « ligands d’adressage » capables de la reconnaître. Le « site d’adressage » de la cible peut être un récepteur particulier surexprimé dans le tissu malade, de petits peptides spécifiques, ou tout simplement de l’acide folique (les tumeurs portent souvent de nombreux récepteurs aux folates). Mais tout ceci n’est encore qu’à l’état de projets : il n’existe pas encore sur le marché de vecteurs à ciblage actif.

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