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L’ethnicité, la mal-aimée des sciences sociales
07/03/2013

Parmi la multitude de définitions existantes, le chercheur liégeois propose la sienne : « L’ethnicité constitue une des formes majeures de différenciation sociale et politique d’une part, et d’inégalité structurelle, d’autre part, dans la plupart des sociétés contemporaines. Elle repose sur la production et la reproduction de définitions sociales et politiques de la différence physique, psychologique et culturelle entre des groupes dits ethniques qui développent entre eux des relations de différents types (coopération, conflits, compétition, domination, exploitation, reconnaissance, etc.). » Par ailleurs, ce concept ne serait ni une réalité naturelle, inexplicable, ni LA seule dimension importante en matière de vie sociale.

En d’autres termes, il ne faudrait ni le négliger, ni lui donner trop d’importance. « Il s’agit d’un outil d’analyse parmi d’autres en sciences sociales, plaide-t-il. Qui parfois fonctionne, parfois pas. D’autres concepts sont aussi importants, comme le genre, la classe sociale… »

Micro-méso-macro

Mais pour être utilisé au mieux, ce concept ne doit pas se départir de trois niveaux d’analyse : le micro, le méso et le macro-social. Le premier, aussi appelé « niveau individuel », vise à observer comment les individus s’identifient par rapport à un groupe plus large. « Personne ne naît Wallon, Belge ou Chinois, mais le devient ! », schématise-t-il. L’identité ethnique peut être multiple (un Belge qui se sentirait à la fois Wallon mais aussi Chinois, si ses parents étaient de cette origine, par exemple), changeante, voire tout bonnement inexistante. Mais toujours construite.

appartenance-groupeSur base de ce(s) sentiment(s) d’appartenance, des groupes, des institutions, des actions collectives se forment. « C’est là qu’on entre dans le niveau méso-social ou groupal. » À l’intérieur duquel il faudra étudier la nature de ces différentes relations. Vient enfin le niveau macro-social, où l’ethnicité n’est plus envisagée du point de vue de l’individu mais sous l’angle social. « Comment la structure de nos sociétés peut-elle classer les gens dans telles ou telles catégories ? Par exemple, aux États-Unis, on cataloguait les personnes selon qu’elles étaient blanches ou noires, même si elles se sentaient d’abord américaines. Ou encore sur le marché de l’emploi : on considère que certaines professions sont réservées à certaines catégories ethniques. Si on n’en fait pas partie, on a peu de chances d’occuper tel ou tel poste. »

Qu’elles intègrent ou non ces trois niveaux d’analyse, Marco Martiniello retrace dans son livre les grands courants qui ont façonné l’étude de l’ethnicité. Théories naturalistes, sociales, primordialistes, marxistes, substantialistes, instrumentalistes, assimilationnistes, constructivistes, symboliques… Des plus complexes aux plus contestables.

Comme l’approche sociobiologique, avancée (entre autres) par l’auteur d’origine Belge Pierre van den Berghe. « Je me souviens d’avoir un jour assisté à l’une de ses conférences, à Londres. Et je me suis vite demandé : "où suis-je ?" Cette théorie est effrayante. » Et largement contestée dès son origine en raison de ses relents racistes, mais qui continue pourtant aujourd’hui à faire des émules…

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