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L’œstradiol, une hormone sexuelle à deux vitesses
06/03/2013

Mais cet effet sur la phase motivationnelle des cailles est-il bien dû à l’action non-génomique de l’œstradiol ? Afin de vérifier cela, les chercheurs ont couplé l’hormone à une molécule incapable de traverser la membrane des cellules : l’albumine de sérum bovin. « Nous avons obtenu le même résultat, ce qui indique que l’effet sur la phase motivationnelle est initié depuis la membrane cellulaire et non depuis le noyau », révèle Charlotte Cornil. La même hormone a donc développé des mécanismes complémentaires –génomiques/lents et non-génomiques/rapides - pour réguler différentes composantes du comportement sexuel. « Nos observations suggèrent que le mode d’action génomique sert à préparer le cerveau pour la saison de reproduction. Il permet de mettre en place le circuit nerveux de sorte qu’il soit prêt à réagir en temps voulu », explique la chercheuse. « Les mécanismes non-génomiques agiraient comme l’interrupteur qui permet d’allumer ce circuit lorsque les conditions environnementales et sociales sont réunies », poursuit Charlotte Cornil.

Neurone-AromataseQuid de l’activité de l’aromatase ?

Un autre volet de la recherche au sein du laboratoire de Neuroendocrinologie du Comportement est l’étude du contrôle de l’aromatase. Ici aussi, différentes études ont montré qu’outre les mécanismes génomiques qui contrôlent l’activation de cet enzyme, cette dernière peut être activée ou inactivée beaucoup plus rapidement par simple phosphorylation (ajout d’un groupe phosphate sur une protéine ou une petite molécule). Toujours en collaboration avec Gregory Ball, Charlotte Cornil et Catherine de Bournonville, doctorante au laboratoire, ont voulu en savoir plus sur les changements rapides de l’activité de l’aromatase in vivo suite aux interactions sexuelles de la caille. « Pour assurer les changements rapides de concentration en œstradiol, l’aromatase doit également moduler rapidement son activité », précise Charlotte Cornil.

Les scientifiques ont disséqué six populations de cellules exprimant l’aromatase dans le cerveau de cailles mâles ayant préalablement été exposées à la vue d’une femelle ou ayant copulé. « Nous avons constaté que l’activité de l’aromatase chute rapidement après la copulation mais aussi après un simple contact visuel avec la femelle », indique Charlotte Cornil. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Psychoneuroendocrinology (2).

« Nous n’avons pas encore résolu le mystère de cette chute précoce d’activité de l’aromatase. Mais si on tient compte de notre précédente étude on peut émettre l’hypothèse que, comme l’action rapide de l’œstradiol a un effet sur la phase motivationnelle et non sur la phase consommatoire, l’œstradiol doit être synthétisé rapidement pour déclencher la première phase mais plus ensuite, d’où la chute d’activité de l’aromatase après la vue de la femelle », souligne la chercheuse.

Une hormone aux allures de neurotransmetteur

De plus en plus d’études tendent à montrer que l’œstradiol est capable d’une action rapide. À un point tel que les scientifiques en viennent à se demander si cette hormone ne devrait pas être classée dans la catégorie « neurotransmetteurs » plutôt que de continuer à le considérer comme un messager chimique qui exerce une action à long terme (3). En effet, alors qu’une hormone est une molécule sécrétée dans le sang et qui agit sur des tissus éloignés de l’endroit où elle est produite, le neurotransmetteur est synthétisé au niveau des synapses où ils agissent directement. Les deux études mentionnées ici renforcent l’idée que l’œstradiol, dans son action non-génomique, se comporte plutôt comme un neurotransmetteur.

(2) Catherine de Bournonville, Molly J. Dickens, Gregory F. Ball, Jacques Balthazart, Charlotte A. Cornil. Dynamic changes in brain aromatase activity following sexual interactions in males : Where, when and why ?. Psychoneuroendocrinology (2012 – à paraître, doi: 10.1016/j.psyneuen.2012.09.001).
(3) Jacques Balthazart, Gregory F. Ball.  Is brain estradiol a hormone or a transmitter? Trends in Neurosciences 2006 • 29, 241-249. Voir l'article Oestradiol sex and sun.

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